De prime abord, je me suis dit que Résister ne m’était pas destiné. Livre court et ultra-synthétique, j’avais peur qu’il rabâche des vérités déjà très connues sur le RN, la sphère Bolloré... Si je pense que je ne suis toujours pas la cible principale du livre, il me semble être en revanche, un merveilleux petit manuel d’éducation populaire au sujet de l’extrême droite.
Résister se focalise d’abord beaucoup sur le RN. Salomé Saqué rappelle son origine (historiquement antisémite, fondé par des anciens pétainistes et Waffen SS), et leur principaux chevaux de bataille (contre les droits des étrangers, LGBT, la liberté de la presse…). Elle rappelle notamment que les députés RN votent les pires lois au niveau européen, mais se tiennent un peu plus à carreau à l’Assemblée Nationale, plus médiatisée que les instances Européennes en France. Elle clôture la partie sur le RN, en alertant sur la facilité à gouverner s’ils arrivaient au pouvoir, même sans majorité à l’Assemblée, via les décrets notamment, en utilisant l’état d’urgence… La 5ème République est remplie d’outils pour contourner la justice et le parlement : une sénatrice parle même de 18 mois pour démonter l’Etat de droit en France si l’extrême droite arrivait au pouvoir.
Elle rappelle par la suite que l’extrême droite au sens large mène une bataille sémantique, médiatique, numérique… et détaille les modes d’action et armes de l’extrême droite. Elle explicite plusieurs théories comme l’accélérationnisme (créer la guerre raciale en France avant que les blancs ne la perdent) ou celle de la réinformation (on met en avant des faits anecdotiques, on les rabache pour les rendre plus gros ce qu’ils ne sont, au service de l’idéologie d’extrême-droite).
Sur le numérique, elle met en avant les nouvelles tendance comme celui d’un fascisme “cool” avec des influenceurs d’extrême droite, et l’utilisation de l’IA employée quasi exclusivement par la droite radicale. Les algorithmes des plateformes encouragent également une polarisation et des biais de confirmation, entretenant de fait une réalité de plus en plus parallèle pour ceux qui consultent des comptes d’extrême droite, complotistes…
Elle rappelle également l’importance du journalisme qu’elle considère comme un 4ème pouvoir. Elle fustige la supposée neutralité journalistique (sans déroger à la déontologie) en insistant sur un refus de neutralité en particulier face à l’extrême droite pour éviter la banalisation de leurs propos. Elle rappelle notamment qu’en 2002, tout le monde s’est élevé contre Le Pen, aucun journaliste n’était taxé de partisan. Aujourd’hui la donne a changée.
Enfin après ce large et rapide brossage du paysage de l’extrême droite français et mondial, on en vient au titre du livre : résister.
Elle conseille d’abord de s’indigner, pour se pousser à l’action par la suite. Puis Salomé Saqué liste plein de petites pistes de résistance. Par exemple, elle détaille comme informer ses proches avec des sources fiables et donne des conseils de débat (écouter son interlocuteur, accepter le ressenti de l’autre, présenter des faits concrets…). Un point me semble vraiment intéressant : celui de ne pas ajouter du mépris au mépris. En traitant de raciste à tout-va un électeur du FN, on le renforce dans sa position de méprisé et contribue à renforcer sa polarisation, et le discours du RN qui table sur ce mépris supposé des élites et classes éduquées. S’engager également dans des collectifs (associations, syndicats…) permet de créer de la cohésion, du partage là où l’extrême droite s’évertue à diviser.
Enfin, elle termine en rappelant que la démocratie ne s’arrête pas à l’urne, elle se prolonge dans les manifestations, engagements associatifs ou politiques, partage d’informations… Et elle souligne aussi la place des artistes qui diffusent d’autres imaginaires plus égalitaires et justes. Et elle termine son livre par ces belles paroles : “rire de leurs idées rances, c’est déjà les désarmer un peu”.
Si je n’aurai pas forcément beaucoup appris dans cet ouvrage, il m’a apporté en revanche quelque chose d’autre : une envie de réagir face à l’urgence de la situation, et une motivation à ne pas se laisser abattre. Un livre vraiment à mettre entre toutes les mains.