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« Des gens ont hurlé à l'assassinat, c'est donc que je devais avoir assassiné quelqu'un. »

Le diagnostic est simple : le système est corrompu, et tout entier à l'avantage de ceux qui le contrôlent – les vieux. La solution proposée est encore plus radicale : tuons-les tous.
Et la révolte explose, dans toute la France. L'angoisse adolescente se transforme en boucherie sanguinaire... Il faut tuer les vieux puisque c'est devenu la seule manière d'exister. Sur Paris rive gauche ravagé, pillé, au milieu de boulevards dévastés, alors qu'apparaissent, ici et là, dérisoires, signes de la nécessité de la lutte, les derniers symboles du monde d'avant – le joug des marchés, la puissance des marques, qui s'incarnent toujours encore dans la sclérose de la politique et la fascination perverse pour les corps juvéniles, immatures – des bandes de jeunes s'agitent, armés jusqu'aux dents, parfois organisés, parfois en pleine anarchie, unie dans une même occupation : décimer du vieux.

Rien ne nous survivra ne fait pas dans le verbeux. Tout est efficace, tout est précis. « Pas d'explications pour le grand public. Pas d'autobiographies ni de confessions. Il faudra refuser de posséder un visage, refuser radicalement de revendiquer. » Ce n'est pas une révolution par la parole, c'est une révolution née de l'acte. Elle ne s'explique pas, elle est simplement contre. Le lecteur est pris dans une narration triple : l'Immortel, Silence et les tracts des Théoriciens s'échangent la parole, une voix chaque jour, le long d'un compte-à-rebours inéluctable : l'Union européenne a posé son ultimatum – dans 109 jours, quatre mois à peine, les vieux attaquent ; il faut mater la rébellion française, ce furoncle dans la Cité-lumière, stérile car elle n'a pas su s'essaimer... Les contraintes de la forme choisie imposent alors de ne raconter que par bouts. À chaque jour son évènement – à l'image de ces jeunes formés, asséchés, vieillis avant l'heure en fait par la guérilla, il faut aller au plus vite, au plus efficace : il n'y a pas de temps à perdre. Et dans ce contexte de narration, les personnages se dévoilent par leurs actes et leurs relations ; en premier lieu, le lien, splendide, sordide, entre Silence et l'Immortel, les deux narrateurs, snipers, unis par la vengeance, l'amour, le sang – de ces deux-là, de tous les autres on ne sait que ce qui est nécessaire : ce qu'ils font, ce qu'ils veulent être ; pas de prénoms sommés par les parents dictateurs d'identité, mais des pseudonymes choisis, révélateurs de personnalités. L'Immortel ne veut pas mourir autant que Silence ne veut pas exister.

Il faut avoir du courage, pour dénicher un peu de vrai dans ce chaos, dans cette folie ambiante, née d'un constat que l'on peut faire tous les jours, poussée jusqu'à ses extrêmes, paranoïaques et inexcusables sûrement, mais il est par moments bien difficile de prendre parti...
Penro
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le 18 juin 2014

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Penro

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