Ce Pléiade "Céline. Romans, tome II" (présenté, établi et annoté par Henri Godard"), 68 €, vaut vraiment la peine. 3 romans (D'un château l'autre + Nord + Rigodon) qui n'en font qu'un et racontent de façon détaillée la fin de la guerre (1944-1945) ou simplement évoquent l'après-guerre (jusque 1951) telles que les ont vécues, en Allemagne puis au Danemark, Céline, sa femme (Lili) et son chat (Bébert), accompagnés pendant un temps (1944-1945) de l'acteur Robert Le Vigan (La Vigue).
Comment décrire cette "trilogie allemande" ? Autobiographie romancée, chronique hallucinée ? En tout cas, le tout dernier opus de Louis-Ferdinand Céline (mort d'un AVC, alors qu'il entamait l'ultime mise au net de Rigodon). Une merveille, une folie, un inénarrable chef d'œuvre. Épique, comique, unique. Un texte sidérant, impressionnant, à mon avis plus facile d'accès que Voyage au bout de la nuit. Déjà, parce que traitant d'évènements plus près de nous dans le temps (1944-45, jusque 61), alors que le Voyage considère les années 1914-32 ; et aussi parce que c'est dans les derniers romans que le fameux style célinien est le plus au point, c'est dans cette trilogie que, comme l'écrit le préfacier du Pléiade, « la phrase célinienne s'est le plus complètement dégagée de l'inertie et de la pesanteur de la phrase académique et qu'elle y garde jusqu'au dernier mot sa liberté de direction et d'allure, donc le pouvoir de tenir ligne à ligne le lecteur en suspens ». Les 1310 pages de ce Pléiade sont ainsi composées : 35 pages de Préface, 300 pages pour D'un château l'autre, 410 pages pour Nord, 215 pages pour Rigodon, les autres pages étant consacrées à une présentation et mise en contexte des trois romans, ainsi qu'à des notes les éclairant. Si vous n'êtes encore qu'ado, attendez encore quelques années avant de vous lancer dans leur lecture. D'abord, parce que c'est écrit dans un style qui déconcertera forcément (et rebutera sans doute) l'écolier et le lycéen. Ensuite parce que l'aventure et le propos céliniens ne s'adressent (pardon de le dire aussi maladroitement) qu'à des cerveaux déjà bien formés, capables de relativiser les choses, de les prendre au second degré, avec humour et beaucoup de recul.