Fresque familiale mais fresque singulière; épopée aux Cévennes contée par des pierres en guise d'aèdes.

S'adapter pourrait presque être qualifié de proverbe comme ces pièces de théâtre qui se prêtaient au jeu de l'illustration des expressions populaire, si ce n'était un court roman, si il ne définissait pas, au travers de son récit en segments parallèles voire chevauchés, le verbe éponyme: "s'adapter".

Récit d'une famille frappée par la naissance d'un enfant dont la vie se bornera à rester dans un état de nourrisson jusqu'à sa mort précoce. Récit éclaté en trois points de vue: ceux des trois autres membres de la fratrie, ceux de trois rapports à l'enfant hors norme selon 3 âges, comme trois époques. Observés et retraduits par les pierres de la maison natale, témoins impartiaux et millénaires.

Millénaires et naturel, à l'image de la juste métaphore, allégorique, du gloméris qui rend tangible sa résilience dans un réflexe instinctif pourtant si peu normal à la vue. Le gloméris, sorte de cloporte, comme un Gregor Samsa, forcé de s'adapter aux regards.

Et avec ces regards différents, autant de définitions différentes du verbe "s'adapter": s'adapter à un membre différent, s'adapter en changeant son caractère, s'adapter en rejetant la colère pour devenir stratège du bonheur retrouvé, s'adapter pour s'inscrire dans la continuité, s'adapter à une Histoire qui nous a précédé et dans laquelle d'autres devront s'inscrire en s'adaptant.


C'est d'ailleurs cette définition, offerte par celui des enfants auquel je m'identifie le plus, le sorcier, qui a fait le plus de plaisir dans ma lecture:

"La première date qui ouvrait la période lui procurait un immense sentiment de bonheur. L'impression d'entrer dans un pays inconnu. Il allait devoir apprendre une langue, une façon de manger, de penser, un rapport à l'espace, aux sentiments, différents.

L'Histoire, c'était un voyage en continent inconnu et qui, pourtant, résonnait si bien avec son présent. Il se sentait maillon d'une chaîne, prenait place dans une immense farandole qui, avant lui, avait dessiné le monde. Il adorait cette idée, d'être situé entre des milliers de vies vécues et d'autres venir."

Belle citation que devraient lire bien des gens de notre XXIe siècle qui lise le monde, le passé et l'Histoire avec une grille issue de leur nombril, suivant la maxime hautaine du "avant moi, le néant; après moi, le déluge".


Achevons sur cette citation de Michel Audiard, grande oubliée des Tontons Flingueurs, qui pourtant fait si bien écho à ce beau petit livre de Clara Dupont-Monod: "Les histoires de famille, c'est comme les croyances: ça force le respect."


Frenhofer
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le 7 juin 2025

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