Une bande de garçons, de six à douze ans, se retrouve naufragée sur une île déserte du Pacifique. Cette catastrophe apparaît aux enfants comme une promesse d’aventure. Mais il leur faut s’organiser et, suivant les traditions démocratiques, élire un chef.


Un sujet accrocheur pour cette robinsonnade. Cette fois-ci, William Golding s’éloigne du thème classique, en revisitant l’histoire avec des protagonistes juvéniles. Une idée sur le papier intéressante et perspicace. A travers leur candeur inhérente, on discerne très vite chez eux une cruauté et un barbarisme déconcertants. On est prévenu dès les prémices de l’histoire: le récit sera entaché par des drames.


Sauf que le récit est aussi et surtout jalonné par de nombreuses lourdesses et descriptions interminables. Le suspens est inexistant –l’éternel problème du feu monopolise la (légère) intrigue. L’histoire aurait gagné à multiplier, ou du moins à approfondir, les rebondissements.


Ceux-ci sont cantonnés presque exclusivement à la fin du livre (la scission entre « civilisés » et « sauvages », la découverte du corps putréfié du parachutiste, les assauts dans le camp adverse, les morts successives de plusieurs héros etc.)


Le rythme entre le début et la fin du récit est complètement désassorti. Si l’histoire est d’abord très lente, les derniers chapitres sont beaucoup plus saccadés, rythmés : on sent que l’on approche du paroxysme
(la chasse de Ralph et la scène finale qui en découle). Une ascension crescendo qui déraille et ne fonctionne malheureusement pas.


Quant aux personnages, difficile de ressentir de l'empathie pour eux. Pas même pour Porcinet. Un petit gros à lunettes relégué au rôle de bouc émissaire… Golding ne s’est pas foulé pour le stigmatiser. Quant à Ralph, le « leader », il est loin d’incarner un chef charismatique. Il est hésitant, possède peu d’assurance, notamment lorsqu’il s’agit de parvenir à se faire obéir.


L’antagonisme entre « civilisation » et « barbarie » est dans un premier temps très peu prononcé.
Jusqu’à, évidemment, la dispute entre Ralph et Jack, et l’exclusion de ce dernier. Certains garçons vont rapidement le rejoindre, et ensemble, ils se peinturent le visage d’un masque d'argile.
Moyen très habile pour Golding d’illustrer leur déshumanisation.


D’un côté, la civilisation raisonnée du tandem Ralph-Porcinet tente de maintenir le feu pour alerter les bateaux. De l’autre la « sauvagerie » de Jack, dévoué corps et âme à l’égorgement de truies.


En soit, la conque VS la majesté des mouches (aka le crâne de cochon).


Sauf que là encore, les limites entre les deux tribus sont infimes.
Difficile en effet de discerner « civilisés » et « sauvages » alors que les premiers ont participé avec les seconds, à l’homicide du pauvre Simon.


A souligner également des ellipses temporelles assez incohérentes : l’auteur occulte totalement la scène du crash (Qu’est-ce qui l’a provoqué ? Que sont devenus les adultes ? Pourquoi seuls les enfants survivent miraculeusement ?). De même, peu après leur arrivée sur l’île, les garçons se retrouvent tout à coup avec des cheveux longs, tombant sur les yeux. Y avait-il de la levure de bière sur l’île ou plusieurs mois ce sont-ils subitement écoulés sans qu’on le sache?


De même, les réflexions des enfants sont souvent confuses et on ne sait pas toujours qui parle.


J’ai dû m’y reprendre à deux fois pour boucler le livre. Une lecture in fine très décevante.

moujica
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le 25 mars 2015

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