Salina les trois exils

Salina, figure féminine mystérieuse du désert africain, surprend par son envie de vivre face à son histoire que tout semble contraindre au malheur, à la violence, à l'exil. Trois exils racontés par son troisième fils, lui-même le symbole d'une réconciliation finale entre la tribu d'adoption de Salina et sa soif accrue de vengeance. Ce même fils a un devoir à accomplir : celui de raconter l'histoire de sa mère pour que la mystérieuse île-cimetière s'ouvre à elle, l'accepte, et l'accueille pour l'éternité. Dans ces paysages arides, la nature semble rejeter l'homme mais elle est contrainte d'accueillir en son sein cette héroïne maudite vouée au malheur perpétuel. Sa naissance est un mystère, son mariage forcé très jeune la force à faire du désert son compagnon d'une vie, ses exils font monter en elle un désir rageur de justice. Tant de violence perpétrée dans les mots comme dans les gestes qui font de cette femme déchue un symbole de lutte pour retrouver dignité et humanité. Son fils, Malaka, gravissant le mont Tadma en portant sa mère sur ses épaules, paraît vouloir faire porter ce message au plus haut point, jusqu'à ce qu'il atteigne hommes comme dieux.

Les personnages féminins chez cet auteur sont fort. Tout comme l'était Médée Kali, Salina est une femme qui s'assume, qui brise nombre de règles d'un clan établi depuis des siècles et clame haut et fort son indépendance.

Les mots sont au service du récit, acérés, abrupts, tranchants. A travers des descriptions de paysages merveilleusement inhospitaliers à la lisière du divin, de personnages ni tout à fait noir ni tout à fait blanc, Laurent Gaudé nous plonge dans un univers lointain, quasiment intouchable, alors que Salina représente cette quête de justice qui peut toucher chacun d'entre nous.