Anne Dufourmantelle nous offre, grâce à un dialogue avec une journaliste, une cartographie des maux contemporains et les chemins possibles de la psychanalyse pour y voir plus clair dans le brouillard - pour nous y retrouver, tout simplement.
On progresse ainsi parmi des thématiques telles que la fatigue, la solitude, les addictions, la relation d'emprise, les applications de rencontres, l'angoisse... Toujours avec cette douceur bienfaisante qui est la sienne, et cette poésie qui accorde à chaque mot sa juste valeur, sa juste place.
C'est beau, c'est concis (contrairement à d'autres livres où elle laisse se dérouler sa pensée sur plusieurs centaines de pages autour de notions uniques telles que le risque, la douceur ou l'amour), et la liberté de ton permet de ne jamais endiguer le problème mais au contraire, d'ouvrir l'horizon pour offrir des échappées belles.
De même, elle déroge à cet écueil très psychanalytique de vouloir tout expliquer, apporter systématiquement des réponses. Elle n'hésite pas par exemple à convoquer le mystère, notamment via l'émergence du rêve. Rappelant au lecteur que nous sommes tous menacés par le clivage, le fait de ne vouloir vivre qu'avec notre partie diurne, raisonnante et rassurante, quand bien même nous confions le tiers de notre vie à la nuit. Et même sans chercher à interpréter un rêve, en se le rappelant simplement, on se l'approprie déjà et on commence à parler son langage. On accepte de se positionner à cette frontière poreuse entre le conscient et l'inconscient, hors du temps, qui nous désigne à la fois la source de nos angoisses et le lieu de leur résolution.
C'est aussi le monde et avec lui quelques fragments de réel pur que, tel Don Quichotte, on rencontre dans ce voyage d'une analyse. On ne revient jamais d'aucun voyage, car celui qui revient n'est plus le même. Ce dépaysement que nous allons chercher sur d'autres territoires, d'autres lumières, d'autres parfums, est un subtil et nécessaire exil intérieur. L'analyse brusque nos accoutumances, nos acquis, nos défenses : nous allons y questionner tout ce que nous pensons déjà, savons déjà, anticipons, tous ces refuges construits contre l'inespéré. Ainsi en chemin risquons-nous de rencontrer l'amour.