« Sherlock Holmes » sous tous les angles

On l’a vu précédemment à travers les monographies dédiées à Batman ou à Nosferatu : la collection « La Fabrique des héros » s’apparente à une vaste entreprise de déconstruction. Il s’agit de s’emparer d’une figure littéraire ou cinématographique populaire, d’en définir les contours, d’en analyser les fondements et d’en identifier les aspérités. Xavier Mauméjean porte cette fois notre attention sur le détective le plus célèbre de l’histoire de la littérature, Sherlock Holmes, personnage de fiction créé par Arthur Conan Doyle.


La description qu’il en propose n’aurait évidemment pu être exhaustive. Sherlock Holmes a fait l’objet de tant d’ouvrages et d’adaptations qu’il serait illusoire d’en compiler intégralement la matière à des fins analytiques. Qu’à cela ne tienne, Xavier Mauméjean, très documenté, passe en revue les principales voies de décryptage d’un personnage qui continue, aujourd’hui encore, à passionner le public. Il décrit le détective anglais comme un cerveau dont le corps ne serait qu’un appendice, un logicien polymathe, parfois misogyne ou ascète, spécialiste des raisonnement par inférence inductive ou des réflexions par abduction. Sherlock Holmes, c’est celui qui trouve là où tous les autres échouent, c’est la supériorité intellectuelle incarnée (notamment grâce à ses compétences scientifiques), mais c’est aussi une célébration du « fauthentique », quelqu’un qui a « cette propriété qu’a le faux de signifier le réel, précisément cette part du réel que le réalisme n’atteint pas ». Soyons un peu plus précis : « Sherlock Holmes évolue ainsi dans une atopie qui renferme l’espace objectif et son dérivé qu’est l’espace imaginaire, dont les fictions peuvent influencer le réel. »


Dans son opuscule, Xavier Mauméjean revient sur les untold stories produisant l’effet d’un univers en expansion constante. Il évoque les crossovers, les ponts avec l’univers d’Howard Phillips Lovecraft, les transpositions dans les genres de la science-fiction ou du fantasy, par exemple sous l’égide d’August Derleth – des genres qui semblent davantage impactés par le détective que l’inverse. L’auteur note par ailleurs, assez pertinemment, que chez Sherlock Holmes, « faute d’avoir mesuré son propre pouvoir, la raison est submergée par le désir de tout maîtriser, d’enfermer la réalité dans un système cohérent. puisqu’il n’y a pas de figure rationnelle plus accomplie qu’elle-même ». Dès lors, « la raison est à la fois sujet et objet et devient sa seule préoccupation. La raison fait alors problème pour la raison. Il s’ensuit une pensée totalisante, totalitaire, qui voit la connaissance se dérégler et verser dans l’hubris ».


En cours de route, un parallèle intéressant est dressé par Xavier Mauméjean. Sherlock Holmes serait selon l’auteur une sorte de miroir inversé du Dracula de Bram Stoker. Le premier pourrait en effet s’appréhender comme le garant de l’ordre victorien et une figure caractéristique du « surmoi » (la réflexion) quand le second serait le destructeur de l’ancienne société britannique et l’emblème du « ça » (la pulsion). Voilà de quoi nourrir un peu plus une étude passionnante qui devrait ravir les aficionados du détective.


Sur Le Mag du Ciné

Cultural_Mind
7
Écrit par

Créée

le 1 nov. 2020

Critique lue 122 fois

6 j'aime

Cultural Mind

Écrit par

Critique lue 122 fois

6

Du même critique

Dunkerque
Cultural_Mind
8

War zone

Parmi les nombreux partis pris de Christopher Nolan sujets à débat, il en est un qui se démarque particulièrement : la volonté de montrer, plutôt que de narrer. Non seulement Dunkerque est très peu...

le 25 juil. 2017

68 j'aime

8

Blade Runner
Cultural_Mind
10

« Wake up, time to die »

Les premières images de Blade Runner donnent le ton : au coeur de la nuit, en vue aérienne, elles offrent à découvrir une mégapole titanesque de laquelle s'échappent des colonnes de feu et des...

le 14 mars 2017

62 j'aime

7

Problemos
Cultural_Mind
3

Aux frontières du réel

Une satire ne fonctionne généralement qu'à la condition de s’appuyer sur un fond de vérité, de pénétrer dans les derniers quartiers de la caricature sans jamais l’outrepasser. Elle épaissit les...

le 16 oct. 2017

55 j'aime

9