Siva
7.4
Siva

livre de Philip K. Dick (1981)

Ce livre de Philip K. Dick m'amène à une contradiction d'appréciation littéraire : je trouve le livre formidable, tout en étant bien conscient de ses défauts. Les répétitions sont très nombreuses ; il y a des lourdeurs dans le propos philosophico-religieux ; la narration avance peu, est mal construite mais sa déconstruction n'est pas d'un grand intérêt stylistique ; les personnages manquent d'épaisseur. Qu'est-ce qui fait que, tout de même, j'aime ce livre ?


Peut-être est-ce propre aux grands écrivains de science-fiction ? Pour le dire banalement : la forme sacrifiée aux idées géniales du fond ? Ce roman enchaîne les idées intéressantes, les enchâsse, les complexifie. Nous sommes face à une science-fiction qui est très clairement liée au fantastique, comme souvent chez Philip K. Dick : le problème n'est pas l'avancée technologique, mais le trouble psychique du ou des personnages principaux. Un personnage (Horselover Fat) croit recevoir des révélations mystiques sur un univers supérieur dans lequel le nôtre serait imbriqué ; des personnages du monde supérieur tenterait d'entrer pour aider les habitants de notre dimension ; mais, tout le long du livre, on ne sait pas si le narrateur et Horselover Fat ont de véritables révélations ou s'ils ne sont pas juste cinglés.


J'aime les délires mystico-fantastiques. Borgès ne dit pas pour rien que la théologie est une branche de la littérature fantastique : Dick le démontre amplement. La réussite de l'auteur américain, c'est d'avoir transcrit ses propres délires dans un narrateur schizophrène. Les hallucinations de Horselover Fat sont en effet les siennes, probablement des rechutes liées à la consommation de LSD, et trouvables dans ce livre qu'on appelle "l'Exégèse". La narration met les propos à distance, les interroge, permet des incursions comiques, tout en présentant une cosmogonie digne d'intérêt.


En tant que lecteur, j'aime être perdu. Un livre qui me tient par la main m'ennuie rapidement. Dick cherche toujours à nous dérouter, et cela me plaît, de même que chez Sabato ou Krasznahorkai ou Cartarescu ou Woolf ou Tokarczuk. J'aime aussi qu'on me pose des énigmes, il y a dans ce tome-ci un jeu avec l'histoire de la culture et des religions, qui fonde l'histoire humaine comme un labyrinthe dans lequel les personnages se perdent (le thème du labyrinthe est d'ailleurs central dans le livre). Tout ceci m'incline à en conseiller la lecture.

Créée

le 29 juil. 2025

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