L’intelligence des animaux, vous y croyez, vous ?
Il y a une quarantaine d’année j’habitais une pseudo-campagne des environs de Bordeaux. Voilà qu’un jour apparait sur notre propriété, sans qu’on l’ait invité, un monstre de la race féline, d’une masse impressionnante de presque trois kilogrammes ! Un digne habitués des gouttières, au pelage rayé de gris et au ventre immaculé. Ajoutez à cela une allure décidée de conquérant satisfait d’être enfin arrivé chez lui !
Pris par surprise et n’ayant pas, jusque-là, envisagés de nous laisser adopter par un envahisseur inconnu, j’ai réussi ce glorieux exploit de le mettre en fuite grâce au tuyau d’arrosage toujours branché et n’étais pas peu fier de cette magnifique victoire remportée sur notre tranquillité douillette.
Mais, comme le "canard" de l’histoire, le lendemain matin Monsieur-Chat était toujours là !... Et ma fille aussi, avec de grands yeux suppliants : « Bon, d’accord, je ne le chasse plus. On verra bien si dans quelques jours il voudra encore de nous. »
Cinq jours plus tard on lui ouvrait la porte – il faut préciser qu’entre-temps ma femme avait dévalisé toutes les "croquetteries" et autres "gamelleries" des environs, ces sortes de fast-food spécialisés pour quadrupèdes "urbanisés" – et là, Monsieur-Chat nous a sorti le grand jeu (on apprendra, lors de la "visite médicale d’incorporation", qu’il ne devait guère avoir plus de six mois), il est passé de pièce en pièce, nous entrainant à sa suite, pour reconnaître les lieux : dans le cellier, apercevant un bac à litière, il s’y est rendu directement et s’est mis en position de faire ses besoins, histoire de nous indiquer qu’il connaissait parfaitement l’usage de l’installation ; dans le salon, il a immédiatement repéré le fauteuil le plus confortable et s’y est enroulé un instant pour signifier qu’il en prenait possession ; dans le cabinet de toilette, voyant le bac de douche il est allé sentir la bonde et s’y est installé comme pour uriner en nous fixant du regard, manifestement il nous disait « Vous voyez, si la porte du cellier est fermée et que je ne peux atteindre ma litière, ne craigniez rien, je viendrai ici ! ... » Non, dans la salle de bain, il n’a pas sauté dans la baignoire ! … À la fin, on ne savait plus très bien qui menait qui !
Alors si cette démonstration servie par un jeune chat qui jette son dévolu sur une famille qu’il devine, malgré tout, accueillante, n’est pas une marque de discernement … Eh bien, je veux bien donner ma langue… au chat ! Et si vous n’êtes pas convaincu qu’il s’agit d’une preuve d’intelligence animale, lisez le livre de Frans De Waal « Sommes-nous trop "bêtes" pour comprendre l'intelligence des animaux ? » Ou alors, je n’ai rien compris et je suis définitivement trop "bête" !


Franciscus Bernardus Maria de Waal est né en 1948 à Bois-le-Duc, aux Pays-Bas, c’est un primatologue et éthologue néerlandais. En 1977, il obtient un doctorat en biologie à l'université d'Utrecht après s'être formé en zoologie et en éthologie. Il a été élu à la National Academy of Sciences des États-Unis et à l'Académie royale néerlandaise des arts et sciences. Il est professeur en éthologie des primates au département de psychologie de l'Université Emory, et directeur du Centre des chaînons vivants au Centre national Yerkes de recherche sur les primates, tous deux à Atlanta.


Bon, alors, il serait peut-être temps d’ouvrir les yeux et de regarder autour de nous avec un peu de modestie, assaisonnée d’une pincée de raison, en ayant le courage d’abandonner le principe anthropique selon lequel l’univers serait une création intentionnelle, exceptionnellement adaptée à la vie intelligente, c’est-à-dire à nous. Alors que c’est l’inverse, c’est parce que la Terre se trouve à la bonne distance du Soleil, que l’eau est liquide, que toutes les conditions atmosphériques, gravitationnelles, magnétiques, etc. le permettent que la vie est apparue sur la planète. Et que celle-ci s’est adaptée aux conditions de la planète et a évolué en se diversifiant, mais la mentalité pré darwinienne et créationniste accepte mal que les humains soient des animaux au même titre que les autres êtres vivants sur Terre.
L’évolution fait que chaque être vivant s’est adapté à son environnement en développant les facultés nécessaires à sa survie que l’éthologue met en évidence par l'étude scientifique du comportement des espèces animales, y compris l'humain, dans leur milieu naturel ou dans un environnement expérimental, par des méthodes scientifiques d'observation.


Ainsi prenons l’exemple des raisins du zoo :
Un matin, au Burgers’ Zoo, les expérimentateurs ont montré aux chimpanzés un cageot plein de raisins. La colonie se trouvait dans un bâtiment où elle passe la nuit, adjacent à une grande île où elle vit pendant la journée. Les grands singes ont paru intéressés quand ils ont vu emporter ce cageot par une porte qui donnait sur l’île. Mais au retour, avec le cageot vide, quel joyeux tohu-bohu dès qu’ils ont vu que les fruits avaient disparu ! Ils avaient sûrement déduit que les fruits ne peuvent pas se volatiliser, donc qu’ils étaient probablement restés sur l’île où on allait bientôt les lâcher, montrant ainsi leur capacité à se projeter dans le futur.
« Les grands singes ont la particularité de chercher des liens logiques, fondés sur la façon dont ils pensent que le monde fonctionne »
Voilà qu’un jeune adulte mâle, n’a même pas ralenti sa course quand il est passé à côté de quelques taches visibles sur le sol. Mais, dans l’après-midi, tandis que tous les grands singes somnolaient au soleil, il est revenu sur les lieux, sans hésitation, a déterré les fruits et les a dévorés à loisir, ce qu’il n’aurait jamais pu faire s’il s’était arrêté dès qu’il les avait vus. Ses congénères dominants les lui auraient pris. Le jeune mâle a dû réaliser instantanément que la ruse était la meilleure option s’il voulait sa part de fruits.


Bof ! Pas de quoi fouetter un chat ! Un enfant malicieux en fait tout autant, et même mieux !


D’accord, alors, voyons le coup de la cacahuète qui flotte :
Il était une fois une cacahuète qui flottait sur une colonne d’eau, dans un tube transparent, hors de portée d’un grand nombre d’orangs-outans et de chimpanzés pressentis pour cette expérience, tous ont trouvé l’astuce d’ajouter de l’eau dans le tube pour faire monter la cacahuète jusqu’à pouvoir la saisir. « Proposée à des enfants : beaucoup n’ont jamais trouvé la solution. Seuls 58 % des enfants de huit ans ont réussi, et 8 % seulement des petits de quatre ans. » Je vous rassure tout de suite : votre propre progéniture ne faisait pas partie de ceux qui ont abandonné !...
Et que penser de ces corbeaux qui ont su utiliser un outil pour attraper un… outil, nécessaire afin se procurer une parcelle de nourriture ? …
Ou des séances de toilettage véritables « actes politiques » chez les grands singes comme ce vieux mâle chimpanzé, Yeroen – détrôné par le puissant mâle alpha – qui, chaque jour se fait toiletter par un jeune rival d’alpha en affichant son allégeance suivant ainsi le principe qui veut que la force soit une faiblesse : l’acteur le plus puissant n’a pas réellement besoin des autres ! Tandis qu’auprès du jeune Yeroen il s’est rendu indispensable « La stratégie la plus intelligente est de choisir un partenaire qui ne peut pas l’emporter sans vous. En apportant son soutien au jeune mâle, Yeroen est devenu faiseur de roi. Il a regagné du prestige et de nouvelles possibilités de s’accoupler. »


Je vous laisse découvrir bien d’autres manifestation de l’intelligence des animaux comme la collaboration, l’anticipation voire la conscience : « Même si nous ne pouvons pas mesurer directement la conscience, d’autres espèces font preuve des capacités précises que l’on considère traditionnellement comme ses indicateurs. Soutenir qu’elles possèdent ces aptitudes, mais pas la conscience, c’est introduire une dichotomie que rien n’impose. »


Vous l’avez compris, voici un ouvrage qui regorge de sujets passionnants qui éclairent notre vision du monde animal et j’ose dire du monde du vivant en général (pour le végétal je renvoie à quelques ouvrages dans ma liste D-Comptable…) illustrant à quel point nous sommes semblables à ces créatures que nous considérons souvent du haut de notre condescendance « La véritable empathie n’est pas centrée sur soi, mais tournée vers les autres. Cessons de faire de l’homme la mesure de toute chose ! Évaluons les autres espèces par ce qu’elles sont, elles ! »


Cela dit, j’ai fait l’expérience néfaste d’un livre dont le sujet me passionne au plus haut point mais qui, souvent, m’a ennuyé au plus haut point ! Dilutions interminables, redites, querelles de clochers et règlements de comptes, etc. intéressent peut-être les professionnels de l’éthologie animale mais personnellement je trouve qu’ils parasitent inutilement la démonstration. Pas facile de concocter une bonne vulgarisation ! (Opinion purement personnelle)

Philou33
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le 11 juin 2023

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Philou33

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