Impossible d'attaquer la critique de ce livre sans évoquer avant tout les récentes évolutions de l'Univers étendu de Star Wars. Dés la sortie du premier long-métrage de la Guerre des Etoiles en 1977, la saga de George Lucas s'est « émancipé » du média cinématographique en développant des productions en comics, en BD, en romans, en jeux plateau et vidéo, etc. Ce fourmillement d’œuvres forme ce qu'on appelle l'Univers étendu, et c'est ce qui témoigne de l'ampleur culturelle de Star Wars. Au rachat de Lucasfilms par Disney en 2012, tout ça fut fini, ou presque. Le studio de Walt a en effet pris la décision, controversée mais nécessaire, compte tenu de l'ambition de mettre en chantier une nouvelle trilogie, de rejeter l'Univers étendu en le renommant Univers Légendes, pour ne garder dans l'Univers canon (c'est-à-dire l'Univers étendu mais à la sauce Disney) que les films et quelques éléments comme les séries Clone Wars et Rebels.


La voie était ainsi libre pour recréer un Univers étendu avec leurs propres productions. Étoiles perdues s'inscrit dans cette démarche. Au début, j'avais cru comprendre que le livre racontait la bataille de Jakku, fournissant des éléments de contexte aux carcasses de Destroyer Stellaire que nous apercevons lors des péripéties de Rey et Finn dans le Réveil de la Force. En réalité, c'est bien plus riche que ça. On nous raconte ici l'histoire de Thane et Ciena, deux jeunes habitants de Jelucan, amis malgré les différences sociales, soudés dans la passion du vol. Cela les conduira, dans le contexte de la fin de la Guerre des Clones et de la victoire totale de l'Empire après l'Ordre 66, à rejoindre l'Académie des pilotes impériaux. Du moins, jusqu'à ce que le traumatisme de la destruction d'Alderaan – entre autres – ne les sépare, en poussant Thane à rejoindre la Rébellion.
Il y a certes un petit côté « amour impossible » et « romance dramatique » dans ce bouquin, qui le rapproche parfois des moments « eau de rose » de l'Episode II, qui en ont fait grincer plus d'un. Cela se ressent aussi dans le style, sans doute un des défauts du livre : un style clairement orienté jeunesse, teen-litt', à des parsecs de l'atmosphère sombre d'un Timothy Zahn (Le Jedi fou, 1992-1994) ou de l'immersion d'un James Luceno (Dark Plaeguis, 2012).


Pourtant, on dévore vite ce livre, car il est très intéressant et captivant à bien des égards. Notamment car Jakku ne représente en fait que la fin du livre, les cinquante dernières pages, ce qui veut dire que le reste couvre en réalité toute la période de la Trilogie originale. Capture du Tantive IV, batailles de Yavin, de Hoth, d'Endor, Cité des Nuages de Bespin, tout est revu dans ce livre, mais dans une perspective différente : celle de l'Empire. En nous dévoilant les coulisses de la machinerie impériale – son organisation, sa politique, son autoritarisme, sa propagande, son productivisme, son racisme même – Étoiles perdues s'inscrit dans la démarche de J.J Abrams avec Star Wars VII et le personnage de strormstooper repenti de Finn. Il humanise l'Empire, en nous montrant ses acteurs. Par exemple, il est tout à fait passionnant de vivre la destruction de l’Étoile noire du point de vue de Ciena. Dans le film de 1977, on ne voit qu'une masse informe et impersonnelle exploser après l'exploit de Luke, mais quid des millions de personnes qui sont mortes à son bord ? Le Grand Moff Tarkin était une enflure, mais quand est-il des autres ? Le livre brise la dichotomie bien/mal en nous montrant que la guerre n'est pas propre des deux côtés et que la happy end du Nouvel Espoir peut être vue avec une autre perspective. Idem avec une scène détail dans l'Empire contre-attaque : lors de la poursuite dans le champ d'astéroïde avec le Faucon Millénium, qui s'était déjà posé la question de l'histoire des chasseurs TIE qui se font massacrés un par un par les roches stellaires ? Personne, pourtant le livre y répond et c'est intéressant.


En cela Étoiles perdues est une pièce vraiment intéressante, qui vient bien compléter à la fois l’Épisode VII mais également la Trilogie originale. Les personnages sont attachants sans être trop clichés, les batailles spatiales sont bien écrites, avec ce qu'il faut de tension, et la construction du récit est efficace. C'est encore une fois insuffisamment adulte, mais on s'en contentera pour cette fois.

Cyprien_Caddeo
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le 29 avr. 2016

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Cyprien Caddeo

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