Where is my lol ?
Je me suis faite totalement avoir: une jolie couverture aux couleurs pop, un résumé qui m'annonce l'histoire d'un looser dont le but dans la vie est de récupérer un comic rare, j'ai sauté dedans à...
le 21 janv. 2011
4 j'aime
Il fallait effectivement un psy aux manettes pour appréhender la profondeur des tourments de personnages contemporains complètement paumés, comme notre société si fraternelle sait les créer. On plonge tête la première dans la psyché d'un Anglais passablement immature, pour commencer, propriétaire d'un magasin de BD, ce qui est censé le discréditer définitivement d'entrée. Comme si la BD se résumait aux comics, mais bon, passons, ça n'est heureusement pas le cœur de cette histoire de vengeance au long cours. On comprend dès le premier chapitre, remontant à l'enfance des personnages, que le nœud de l'affaire se situe dans une scène apparemment banale, dont on saisit vaguement l'étrangeté sans trop savoir sur quoi mettre exactement le doigt : un peu malgré lui, poussé par des sentiments difficiles à exprimer, un enfant échange une BD contre un tuyau en plastique. Des années plus tard, à la tête de son magasin de BD, il ressassera la bêtise sans nom de cet acte qu'il regrettera toute sa vie, car la BD en question est l'équivalent d'un incunable du XVIème siècle pour le connaisseur du 7ème art qu'il est : le numéro 1 de Superman, une rareté qui s'échange désormais à prix d'or. Sur ce postulat décalé (la BD, c'est pour les nazes, mais ça peut quand même générer ce que tout le monde respecte de nos jours, c'est-à-dire la richesse), l'auteur nous entraine dans une descente aux Enfers qu'il a la sagesse de contrebalancer par une histoire de rédemption, qu'il a la finesse de subvertir par une anthologie de la lâcheté. Bref, si ça part d'une série de rebondissements téléphonés, ça finit quand même par susciter plus que la curiosité de départ en dynamitant patiemment la collection de clichés patiemment accumulés depuis le début. La petite réunion d'anciens du collège au cours de laquelle le héros espère croiser le détenteur de sa fortune latente tourne au désastre, la moindre de ses initiatives part en savonnette pathétique, sa romance naissante ne tient qu'à un fil et toute la galerie de personnages qui l'entoure semble sortie d'une sitcom à la marmite. La petite pointe d'humour anglais qui saupoudre ce haggis parfois peu ragoûtant produit son effet et je suis arrivée au bout de cet exercice de style plutôt fendant quasiment d'une traite, ravie par quelques métaphores bien senties et déstabilisée par l'usage de tous les clichés attachés à la description de la "britanitude" contemporaine, avec pas mal d'autodérision. Au final, même si les personnages ne sont pas très attachants, à dessein, on se laisse emporter par le maelstrom qui conduit le héros à une série de naufrages et de presque rédemptions, jusqu'à un finale abrupte qui ne tranche pas non plus. Ou si ? Enfin, bref, c'est un psy qui est aux manettes. D'ailleurs, sa plongée en eaux médiocres d'un type médiocre à bout de souffle lui donne l'occasion de débiner pas mal de défauts masculins : la lâcheté, l’égoïsme, l'immaturité, on l'aura compris, la velléité, l'incapacité à se prendre en main, la frustration de ne pas être à la hauteur des attentes de parents limités, l'esprit grégaire, la hiérarchisation instinctive des rapports humains, l'obsession du sexe, l'image idéalisée et bête des femmes, la rébellion à deux balles, la fuite dans des pensées magiques, etc. Plutôt bien observé mais aussi tragiquement pathétique. Et les érections, glorieuses ou rabougries, du héros scandent son parcours hébété à travers sa vie, qu'il subit avec passivité, jusqu'à ce qu'une idée extravagante et plutôt débile le sorte de sa torpeur. Une charge implacable qui conduit le héros à sa perte, avec un sadisme non dissimulé. Maisie, personnage plutôt opaque, joue un rôle de catalyseur, sous la forme de la compagne rêvée (lisse et nymphomane) jusqu'à ce qu'elle fasse finalement preuve d'autonomie et brise les rêveries adolescentes de ce compagnon improbable qu'elle s'était choisi pour quitter un mariage malheureux. Bref, un désastre de bout en bout, orchestré par un auteur partagé entre misanthropie et attendrissement pour cette petite troupe bien peu glorieuse, de la même façon qu'il semble aimer et détester son pays, cette Angleterre des laissés pour compte, gangrenée par un rêve américain plutôt mité, habitée de citadins passablement alcoolisés et de provinciaux sans envergure. Ça dézingue à tout va, d'une manière qui pourrait sembler jubilatoire si elle ne provoquait pas une compassion vaguement douloureuse. On est quand même une pauvre petite espèce, en fin de compte.
Créée
le 26 avr. 2025
Modifiée
le 26 avr. 2025
Critique lue 11 fois
Je me suis faite totalement avoir: une jolie couverture aux couleurs pop, un résumé qui m'annonce l'histoire d'un looser dont le but dans la vie est de récupérer un comic rare, j'ai sauté dedans à...
le 21 janv. 2011
4 j'aime
A en croire des critiques lues par-ci par-là, la quatrième de couverture ou les premières pages du livre, Swap a tout pour plaire. Un livre sur un genre de nerd qui serait bourré de références...
Par
le 6 août 2011
2 j'aime
Il fallait effectivement un psy aux manettes pour appréhender la profondeur des tourments de personnages contemporains complètement paumés, comme notre société si fraternelle sait les créer. On...
le 26 avr. 2025
Il va vraiment falloir que je relise le somptueux roman graphique anglais pour aller exhumer à la pince à épiler les références étalées dans ce gloubiboulga pas toujours très digeste, qui recèle...
le 18 déc. 2019
23 j'aime
3
Je ne peux guère prétendre y entendre quoi que ce soit à la fission nucléaire et, comme pas mal de gens, je présume, je suis bien contente d'avoir de l'électricité en quantité tout en étant...
le 9 sept. 2019
14 j'aime
5
Civilisation : "État de développement économique, social, politique, culturel auquel sont parvenues certaines sociétés et qui est considéré comme un idéal à atteindre par les autres." Cela ne...
le 16 avr. 2021
12 j'aime
4