Si les noms et quelques détails sont différents, les personnages, les lieux et l'histoire sont reconnaissables : la Californie de la fin des années 60, la ferme communautaire de Charles Manson, ses velléités de musicien, son amitié avec Dennis Wilson, le massacre de Sharon Tate et des autres occupants de la maison où Manson a envoyé ses ouailles...
A travers les souvenirs d'une jeune fille qu'elle place comme témoin privilégier et victime de ces heures sombres qui allaient refermer la parenthèse hippie américaine, Emma Cline dépeint de l'intérieur l'entreprise sectaire, les manipulations psychologiques confinant au lavage de cerveau, la misère crasse et violente déguisée en vie de bohème, les abus sexuels, le processus terrible ayant conduit à l'horreur.
Au-delà, en usant intelligemment d'un aller-retour temporel qui permet à l'inconscience du passé d'être en permanence éclairée par la lucidité expérimentée du présent, elle livre dans ce premier roman brillant une étude extrêmement riche et subtile de la psychologie adolescente : ses passions, ses émois, son ennui, ses envies d'absolu, ses amitiés intéressées et ses premières amours contrariées, toutes ces premières fois qui constituent autant de bouleversements internes rendant la jeunesse tout à la fois forte et fragile, intense et malléable, pleine de potentiels enchanteurs ou dangereux.
La première vraie réussite de cette rentrée littéraire.