Ce n'est pourtant pas compliqué de distinguer le sexe (mâle ou femelle) qui est un concept biologique et le genre (homme ou femme) qui est un concept sociologique (et encore l’identité de genre qui est un concept psychologique).


Concernant le sexe : l’idée selon laquelle il existe deux sexes est très discutable. C’est sur la base de l’observation des organes génitaux externes (vulve qui inclut le clitoris, ou pénis) que les bébés sont classés dans une des deux catégories sexuelles reconnues par l’Etat (mâle ou femelle). En réalité, on peut définir le sexe sur la base d’autres critères : chromosomes (XX, XY), gonades (ovaires, testicules), organes génitaux internes (utérus, prostate), gamètes (ovocytes spermatozoïdes) ou hormones. Et de très nombreuses combinaisons de ces caractéristiques existent. Certains individus n’ont qu’un chromosome (X), d’autres XO en ont trois (XYY, XXY ou XXX), d’autres un différent (XO) et d’autres encore n’ont pas de chromosomes entiers. Au départ de l’embryogénèse, l’embryon est indifférencié et possède ce qui pourrait devenir des ovaires ou des testicules. L’absence ou la présence du gène SRY initie la différenciation en ovaires (sexe gonadique femelle) ou testicules (sexe gonadique mâle) chez l’embryon. Le gène SRY est le plus souvent associé au chromosome Y donc présent chez les individus XY (sexe génétique mâle) mais est parfois transloqué sur un chromosome X et être présent chez les individus XX (sexe génétique femelle) qui ont donc des testicules (sexe gonadique mâle). Une fois la différentiation effectuée, se produit une sécrétion d’hormones qui imprègnent les autres organes et entraînent leur différentiation (ex : un testicule sécrète de la testostérone qui différentie d’autres organes en prostate, en pénis, etc.) en clitoris (sexe anatomique femelle) ou pénis (sexe anatomique mâle). Certains individus ont un chromosome Y et le gène SRY (sexe génétique mâle) donnant des testicules (sexe gonadique mâle) qui secrètent de la testostérone (sexe hormonal mâle) qui n’a aucun effet, donc ont un clitoris et non un pénis (sexe anatomique femelle). Il existe aussi des individus avec des chromosomes XX (sexe génétique femelle) et qui, du fait de la sécrétion d’androgènes (sexe ayant le même effet que la testostérone, ont des ovaires (sexes gonadique femelle) et un pénis (sexe anatomique mâle). Même en passant sous silence d’autres cas plus compliqués à expliquer, on voit que la réalité est variée. Un sexe légal est attribué à la naissance sur la base du sexe anatomique, sans vérifier le sexe génétique. Il existe une grande diversité d’organes génitaux intermédiaires (par exemple entre un pénis et un clitoris). Bien que certains cas soient statistiquement plus rares (comme certaines couleurs de cheveux ou des yeux), ils existent. Mais encore aujourd’hui seules deux catégories sexuelles sont reconnues par l’état civil, excluant ainsi les bébés intersexes qui sont fréquemment mutilés pour rentrer dans les deux catégories de sexe. L'idée selon laquelle il ne doit exister que deux genres semble déterminer l'idée selon laquelle il n'existe que deux sexes.


Concernant le genre : les genres renvoient à des constructions socio-culturelles pouvant varier selon les époques et les cultures, en particulier leur nombre (plus ou moins de deux genres sont possibles), leurs caractéristiques (ce à quoi ressemblent ces genres) et les traits biologiques associés (ils peuvent être associés à des caractéristiques biologiques autres que le sexe). Les attentes sociales de genre sont imposées en prétextant des différences biologiques pourtant sans rapport avec elles. Par exemple, il n’y a pas de rapport entre le fait d’avoir un vagin, des ovaires ou des chromosomes XX (sexe femelle) et le fait d’avoir les cheveux longs, se maquiller, s’épiler, sourire, porter des jupes et aimer le rose (genre féminin). C'est ainsi par construction culturelle que, durant la grossesse, on se réjouit d’apprendre le sexe du bébé : on n’y voit pas seulement une différence biologique mais une différence de genre. Par exemple, on ne se contente généralement pas de dire « le bébé a un vagin » ou « c’est une femelle », mais on dit « c’est une fille ! », sous-entendu : elle sera coquette, pipelette, douce, mettra des collants, aimera le rose, jouera à la poupée, je l’emmènerai faire du shopping, elle regardera des dessins animés de princesse, etc. Les parents perçoivent et traitent des enfants ayant des différences biologiques d’une manière différente qui va bien au-delà des différences purement induites par leurs différences biologiques. Les parents ne remarquent pas toujours qu’ils adoptent des attitudes différentes en fonction du sexe de l’enfant, car ces dernières sont souvent spontanées et que les attentes genrées qui les guident sont considérées comme allant de soi. L’apprentissage des rôles de genre se fait par imprégnation (avec l’imitation des gestes, postures et attitudes de modèles, ainsi que la prise en compte des regards, approbations, sourires, moqueries, etc.) et inculcation (avec la réception d’indications explicites du type « Ne te tiens pas comme ceci », de récompenses et de sanctions intentionnelles). Au fur et à mesure de la socialisation, la plupart des enfants adoptent ainsi une image d’eux-mêmes, des comportements et des goûts conformes à ce qui est attendu par la société (le genre homme ou femme) étant donné leur sexe (mâle ou femelle ). Dans la mesure où cette incorporation se fait de manière largement non consciente et donne lieu à des manières d’être, de penser et d’agir spontanées, le genre passe pour inné. Chacun ne fait qu’exprimer ce qu’il est (ses goûts, manières de se tenir, de marcher et de parler, ses façons de ressentir, etc.) tout en étant et en se représentant comme conforme aux attentes de genre (« je suis une fille » ou « je suis un garçon » et plus tard « je suis une femme » ou « je suis un homme »), sans savoir à quel point ses dispositions sont des attentes de genre incorporées. Une femme peut ainsi dire qu’elle se maquille, s’épile et porte une tenue féminine parce qu’elle aime ça et non pas parce que ce serait attendu, sans toujours se demander pourquoi elle aime ça.

Le genre n’est pas toujours vécu comme une contrainte : les individus l’intériorisent à travers l’image qu’ils ont d’eux-mêmes et l’incorporent jusque dans leur gestuelle, au point de le considérer comme évident et innée. Cependant, il constitue tout de même une restriction des potentialités d’existence en enfermant l’humanité en deux moules préétablis (ou plus, selon le nombre de genres en vigueur dans une société donnée). Or, comme le soutient John Stuart Mill, « il est souhaitable que l'individualité puisse s'affirmer dans tout ce qui ne touche pas directement les autres. […] Aujourd'hui, le simple exemple de la non-conformité, le simple refus de plier le genou devant la coutume est en soi un véritable service. […] La seule source d'amélioration intarissable et permanente du progrès est la liberté, puisque grâce à elle, il peut y avoir autant de foyers de progrès que d'individus ».

Dans d'autres cas, le genre est bien vécu comme une contrainte : certains individus sont contraints de mener une vie qui ne leur correspond pas en donnant l’apparence d’être ce qu’ils ne sont pas. Cela s’explique par le fait qu’il n’est pas aussi simple pour tout le monde de se mouler dans des rôles sociaux préexistants indiquant ce que l’on est censé être. C’est par exemple le cas des personnes transgenres qui se reconnaissent dans le genre associé à un autre sexe (en ayant par exemple les goûts qui sont ceux attendus d’un autre sexe), ainsi que des personnes non binaires qui se reconnaissent dans aucun des genres en vigueur dans sa société. Les individus non conformes doivent cependant feindre la conformité à travers des performances appuyées sur une façade adaptée pour éviter d’être stigmatisés. Les individus exprimant des attitudes (comme une manière de parler, de se tenir et de marcher) et des préférences (notamment concernant les vêtements et les activités) qui diffèrent de ceux attendus par la société (le genre) du fait de leur sexe risquent de subir moquerie, désapprobation, mépris, exclusion, harcèlement, discrimination à l’embauche et agression.


Quand les bases conceptuelles et empiriques seront maîtrisées on pourra parler des transitions de genre ET de sexe. Les autrices pourront nous dire pourquoi l'une des opérations chirurgicales les moins regrettées par la suite et qui évite des suicides leur pose problème (évidemment, sans jamais dénoncer les mutilations longtemps imposées aux nourrissons intersexes).

Smashcut-Stolz
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le 22 mai 2024

Modifiée

le 9 oct. 2025

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Smashcut Stolz

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