Homo Feminita Scientifica vous salue bien...

Voilà bien une lecture salutaire, à une époque où il devient non seulement possible mais même à la mode de dénigrer les féministes. Witkowski, dont j'ai toujours bien aimé les livres, nous donne ici à lire une ébouriffante série de portraits féminins, tous plus beaux les uns que les autres et qui nous donne le sentiment qu'il est tombé véritablement amoureux de son (ou plutôt ses ) sujet. On est souvent tenté de faire de même.

Le livre suit une chronologie ascendante commençant très fort avec ... la femme de cro-magnon, suivie d'une légende chinoise millénaire, puis à partir de la sœur de Tycho Brahé, il nous emmène à un rythme moins soutenu à la rencontre de ces femmes qui du XVI° siècle à nos jours ont , souvent dans l'ombre et grâce à une ténacité rare, fait la science. Souvent liées à des scientifiques , elles ont parfois joué le rôle de la muse, ce que la société leur accorde volontiers, mais on sait moins leur apport essentiel aux théories scientifiques.

Le machisme ambiant, la théorie qui veut que leur intellect serait incompatible avec les rigueurs de la science a beaucoup confiné les premières scientifiques à des rôles de secrétaire, de "petites mains" , d'aides opératrices, rôles qui les ont surtout gardées à distance des tâches de premier plan. Et il est clair en effet qu'elles sont d'excellentes expérimentatrices :un très chouette passage montre une scientifique, Agnes Pockels, étudier la tension de l'eau dans sa cuisine, avec du poivre et des objets quotidiens et révélant peu à peu la nature intime des atomes. Dans sa cuisine, car pendant ce temps-là la cantine des universités est interdite aux femmes...

Mais alors qu'on ne leur nie pas leur habileté, la question était posée en effet de leurs capacité à créer, à conceptualiser. Il n'est qu'à lire les accomplissements de ces femmes scientifiques pour voir le ridicule de ce questionnement et on pense notamment à cette femme de génie, Emily Noether, le pendant féminin de Einstein, qui développa les théories de symétrie sans lesquels l'univers de Einstein serait une trame percée.

Une de mes héroïnes préférées sera ici Alice Boole, une femme au talent mathématique tel qu'elle "percevait" le monde en plus de trois dimensions, imaginant des formes , les polytopes, que personne avant elle n'aurait jamais pu concevoir.

Witkowski nous fait passer un moment avec des personnages humains et historiques comme cette pauvre Marie Curie, haineusement poursuivie par le Figaro (déjà un torchon donc, il y a cent ans :-) ) à cause de sa vie privée, ou encore avec Mary Shelley en vacances dans les Alpes et imaginant son Frankenstein. Il terminera son périple très habilement avec quatre femmes qui ont consacré leur vie à étudier les primates (vous connaissez surement Jane Goodall ou Diane Fossey) et qui ont mis en lumière ce que les machos voudraient ignorer, à savoir l'ascendant des femelles sur la vie de la tribu, des millions d'années avant la venue d'un certain Adam.

A noter que chaque chapitre finit par une liste bibliographique très complète et très bien commentée qui est aussi intéressante que le texte lui-même.

Excellent bouquin, facile à lire instructif et ma foi, fort bien dans l'air du temps. Je recommande fortement , que vous aimiez ou non la science ! :-)
nostromo
10
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le 1 juin 2014

Modifiée

le 1 juin 2014

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nostromo

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