C’est un roman polyphonique qui explore la meme histoire de points de vue différents, ceux-ci venant à se contredire, se compléter, parfois s’annuler. Il reste de ces quatre récits une impression d’incomplétude, d’incapacité à saisir la vérité d’un homme et de son épouse, leur vie, leur histoire, qui sont réduits à autant de récits, de point de vue, intéressés ou non.
Ce n’est pas une enquête ni un roman noir, mais le lecteur est curieusement mis sous ce patronage.
Il n’y a pas réellement de crime ici, mais le lecteur est mis en position d’enquêter sur un personnage à travers les différents récits et points de vue, qui se percutent, se précisent, se contredisent parfois. Ces différents récits et leurs auteurs ont par ailleurs leur propres projets, leur propres ambitions et leur propres moyens ; le lecteur doit, lui, naviguer et tenter de se former une image, tout en se méfiant de lui-même, de l’image qu’il voudrait voir se former. Il ne pourra, en revanche, jamais vraiment trouver d’harmonie.
Qui est donc l’auteur de ce roman qui exhibe la vie de ce mystérieux financier dans la première partie du livre ? Quel est son objectif ? Pourquoi ce récit ? Est-il exact, mensonger ? les autres documents, témoignages, journaux qui suivent ce récit viendront à la fois éclairer et obscurcir ; les motivations des personnages restent obstinément obscures, de même que leur parcours réel. A chaque fois que le lecteur pense tenir une piste, une intuition qui éclaire sa vision, une autre vient la contredire, dans un jeu de cache cache déroutant.
Par ailleurs, la réalité et les récits ainsi relatés sont déformés par et grâce au pouvoir donné par la fortune d’un des protagonistes, par sa force d’attraction qui permet à celui qui la possède de manipuler les esprit, par flagornerie ou par crainte ; qui change, presque par sa simple existence, le regard que l’on porte sur celui qui la possède.
La fortune crée aussi des ombres ; personne n’est véritablement soi-même en sa présence : celui qui l’a possède souhaite maîtriser son récit, son histoire, son héritage - y compris par la menace. Celui qui s’en approche peut être envieux, intimidé, effrayé, mais il ne peut pas être vraiment lui-même, être sincère, authentique. La fortune des autres déforme les relations, et finit par déformer les personnages - et le lecteur - qui s’en approchent.