Lettre d'un ex conscrit.....

En substance, Edouard Ballot considère le service militaire comme une vaste entreprise d'asservissement des individus. On peut résumer sa pensée comme suit:

"« Non seulement le service militaire ne rend aucun service à la société, mais il est une vaste insanité publique, comme seule l'histoire du gouvernement des hommes sait en fabriquer . Le service militaire est une "organisation " humaine , close et figée, réglée par la menace et la vanité, et où des hommes asservissent d'autres hommes afin de les utiliser à ne rien faire. Les appelés sont bel et bien les soldats de l'absurde. »

Ce qu'écrit Ballot n'est pas faux mais incomplet et finalement assez malhonnête puisque son propos est global, lacunaire et généraliste. Face à cette institution, il existait 2 types d'individus: ceux qui n'avaient pas d'autres choix de le faire (pour raison professionnelle, volonté de s'engager sous les drapeaux...) et les autres qui peuvent utiliser tous les moyens pour échapper à ce que certains considèrent comme une école de la vie, d'autres comme un an de perdu.

Dans la société française qui se veut si égalitariste, cette inégalité entre individus est structurelle et elle explique en partie pourquoi Chirac a supprimé le service national en 1996. A partir de 1991, beaucoup de naturalisés d'origine étrangère refusaient de le faire, d'autres plénipotentiaires arrivaient aux "trois jours" ivres morts alors que les derniers giflaient directement le médecin chef sans prévenir.... Sans enjeux existentiel à la sortie, il était donc assez aisé d'échapper à cette corvée à condition d'être cash. C'est pour cette raison d'insoumission galopante que les politiques ont décidé de renoncer et aussi parce qu'ils ont pensé, comme Fukuyama, que c'était La fin de l'Histoire...

La fin de l'innocence

Je précise au préalable que même si ce qui suit n'est pas flatteur pour l'institution, ce n'est qu'un témoignage d'un ex appellé contre son gré qui a perdu un an de sa vie au milieux de militaires engagés, fin de race, pas trop futés et d'appelés globalement pas mieux mais c'est la conséquence lorsque l'on sert dans un régiment de cuirassiers......Personnellement et bien que j'ai tenté d'y échapper pour raison médicale (et parce que j'avais déjà achevé mon cursus universitaire et un job en poche) , mon profil sans histoire m'a contraint à vivre cette expérience vaine et financièrement spoliatrice, vu le niveau moyen des "élus". Pendant ce temps, tous mes collègues universitaires, fils à papa, y ont échappé dans les règles....Affecté au bureau de promotion sociale et de réinsertion, j'étais juriste, bibliothécaire et agent de pôle emploi pour 425 francs par mois (J'ai fait du bénévolat à mon insu...). Face à moi, des légions de types insouciants, sous qualifiés et ce qui est le plus grave, même pas conscients de perdre un an de leur vie puisqu'ils n'avaient pas été assez malins pour se faire réformer (Il était inutile d'avoir lu Le prince de Machiavel pour arriver à ses fins) ou pour tirer avantage de ce que le système leur proposait (Stages AFPA permettant de trouver un emploi). Il y avait aussi dans les escadrons de combats un important bataillon de kanaks, souvent agités la nuit tombée, qui buvaient pas mal d'After shave mais qui s'est curieusement calmé la semaine du règlement du conflit de la grotte d'Ouvéa en Nouvelle Calédonie.... Le service national, c'est quelques belles rencontres mais c'est surtout la cohabitation avec une masse d'individus avec qui on ne partage rien, qui permettait déjà à l'époque d'avoir une petite idée de l'effondrement d'une autre institution sans laquelle rien n'est possible, l'éducation. Lorsque je rentrais en permission, c'est à dire tout le temps puisque je m'étais fait exempter de tout^^, je n'étais plus qu'une boule de colère, consciente qu'il allait falloir y retourner pour perdre mon temps, incapable de profiter de l'instant présent. Quelque part, pour moi comme pour d'autres, cette période de ma vie a marqué la fin de l'innocence...

En revanche, l'Etat bénéficiait annuellement de la mise à disposition de 450 000 appelés en cas de besoins (Une réserve d'active en cas d'agression militaire extérieure mais aussi des centaines d'hommes pour combattre des incendies et catastrophes naturelles diverses partout en France...) que les pouvoirs publics pouvaient utiliser quasi gratuitement (Conditions de d'hébergement et de gîtes à revoir) .... Non, le service national ne coûtait pas cher et il protégeait même parfois la société des 'outcasts', les sous officiers engagés, qui étaient bien moins dangereux dans une caserne que dans la vie civile. J'en ai d'ailleurs croisé quelques uns depuis, convertis, une fois en retraite comme agents immobiliers, souvent peu pointus et sans scrupules....la réinsertion dans la vraie vie professionnelle est un challenge pour certains, même l'immobilier est un métier^^.

A l'heure du "réarmement" de la France voulu par certains pour des "raisons floues ou opportunistes" alors que la France s'est vu chassée de tous les territoires qu'elle protégeait, y compris en Afrique noire, ce n'est pas un mois, ni un an de service national, y compris mixte, qui changera quelques chose à la protection des frontières nationales, communautaires ou des "démocratures libérales", c'est l'amour de son pays. Mais pour aimer la France, fracturée et fondue dans une Europe peu démocratique, telle qu'elle est devenue aujourd'hui, encore faut il disposer d'un immense supplément d'âme, d'une incommensurable abnégation où manquer de la lucidité la plus élémentaire pour y croire encore, tant parfois on se sent en rupture avec les idées qui y sont défendues....Il ne faut pas oublier que la dérouillée que la Wehrmacht infligée au pays en 1940 était due à 2 raisons essentielles (300 000 poilus de plus avaient péri dans les tranchées, comparativement à leurs adversaires allemands durant la Grande guerre, les français ne voulaient plus combattre...) et l'Allemagne, n'ayant jamais digéré le Traité de Versailles qu'elle considérait comme un affront, était en économie de guerre sous la pression d'Adolf Hitler depuis 1933. On n'oblige pas les gens à combattre mais seuls ceux qui ont tenu un Famas entre les mains l'ont peut être compris?

Alors, mourir pour l'Ukraine en 2025 au nom du monde post moderne et pour Zelinsky...

Le patriotisme est la source du sacrifice, par cette seule raison qu'il ne compte sur aucune reconnaissance quand il fait son devoir. (Louis Kossuth)