Ce soir, on mange de la soupe polonaise !
La première fois que j’ai entendu parler de Jarry, c’était dans les Faux Monnayeurs. A cette époque-là, il voulait tuder le petit Bercail, en pleine soirée. Drôle d’entrée en matière, qui laissait présager son lot de bizarreries pour Ubu Roi.
Je n’ai pas été déçue. On nage en plein délire, en pleine merdre aurait dit l’ami Jarry. Absurde, oui, c’est bien un mot qui convient pour caractériser cette pièce, cette multitude de personnages plus étranges les uns que les autres, mais dont aucun ne pourrait égaler le Père Ubu.
Un drôle de roi. Ou peut-être esclave de sa bêtise, qui sait. En tout cas, un affreux bonhomme qui veut mettre « en compote les moscovites » et qu’on n’a vraiment pas envie de croiser, sauf si l’on est sûr de ne le revoir jamais.
En tout cas, ce qui est certain, c’est que la pièce se lit toute seule, se dévore comme un festin de la Mère Ubu, qui ne vaut pas mieux que son mari, en étant même plus mesquine. Les personnages nous transportent dans des situations toutes plus caricaturales les unes que les autres, chacune ayant son lot de bizarrerie qui, franchement, font sourire.
Grossière, cette pièce ? Sûrement aux yeux de certains, mais pour moi, je la prends comme un petit bijou de l’absurde, parce qu’un coup d’état pareil, on en voit pas tous les jours.
Certes, la pièce est farcesque, même une farce tout de même bien cruelle, et pourtant par moments, on ose s’accorder le droit de rire. Un peu cruel ? Boh ! Le langage de Jarry, gazouillant d’insanités, dédramatise les événements terribles qui se passent sous nos yeux. On est bien contents qu’il le fasse, et moi je suis bien tentée d’aller voir un jour cette pièce adaptée au théâtre, rien que pour entendre être prononcés ses néologismes savoureux, de l’oneille à la lunelle, et tous les autres que, par compassion envers le lecteur, je ne vais pas énumérer.