Ultramarins
7.4
Ultramarins

livre de Mariette Navarro (2021)

Étrange roman que cet Ultramarins, où une baignade imprévue vient perturber le cours d’un cargo et la vie de son équipage.


Les histoires fantastiques en mer ont souvent fasciné : du mystérieux triangle des Bermudes aux vaisseaux fantômes, les étendues d’eaux à perte de vue recèlent un mystère. Comme si l’absence de terres à l’horizon rendait fou ou, du moins, permettait de s’affranchir de toute logique et de toute rationalité. Le cargo dont il est question dans Ultramarins ne déroge pas à la règle : sur la route entre l’Europe et les Antilles, la machine se dérègle.


La capitaine est pourtant reconnue pour son sérieux. Elle n’est pas uniquement vue comme la fille d’un autre grand capitaine : c’est une bosseuse qui s’est fait un nom respecté. Mais elle décide d’un coup de briser la routine de la traversée, sans raison évidente. « Elle ne sait pas si c’est à l’intérieur d’elle que se logeait le désir de céder ou si quelqu’un dans l’équipage, d’un mot ou d’un regard, a pénétré sa froideur nécessaire. » Oui, les marins peuvent aller se baigner. On arrête le cargo de marchandises au milieu de l’Atlantique et les hommes descendent en mer, elle restant seule. En remontant sur le bateau, ils sont maintenant vingt-et-un, et non vingt. Sans s’inquiéter au départ, le malaise grandit tandis que le cargo adopte son propre rythme.


Cette cassure de la routine se révèle magnifiquement mise en mots par Mariette Navarro. Si l’on suit au plus près la commandante et ses questionnements, chaque coin du bateau est ausculté pour savoir ce qui ne tourne pas rond. L’irruption du mystère inquiète, on pense à un épisode de La Quatrième dimension.


« Immédiatement, elle est saisie par la moiteur de ce concentré d’orage. On dirait qu’un nuage s’est enroulé autour d’eux, qu’elle tente machinalement de retenir entre ses doigts écartés. Barbe à papa blanche, et presque sucrée aussi à force de densité : comme personne ne peut la voir, elle tire la langue pour la goûter, il faut bien revenir à quelques réflexes d’enfance quand on pressent que rien de drôle ne va surgir de sitôt. »

JulienCoquet
7
Écrit par

Créée

le 31 janv. 2022

Critique lue 143 fois

Julien Coquet

Écrit par

Critique lue 143 fois

D'autres avis sur Ultramarins

Ultramarins
Cyril-spoile
8

Critique de Ultramarins par Cyril T

En ouvrant Ultramarins, j’en savais déjà presque tout, pour avoir lu à son sujet un nombre impressionnant de chroniques : qu’il s’agissait de l’histoire d’un voyage en porte-containers pendant lequel...

le 5 nov. 2022

2 j'aime

Ultramarins
Cannetille
9

Entre frisson, poésie et mystère, une plume de qualité pour un singulier coup de coeur.

Elle qui est parvenue à s’imposer comme commandante de cargo au prix d’une discipline de fer et d’un investissement de tous les instants, sait que tout écart de vigilance peut lui coûter la confiance...

le 9 juin 2022

1 j'aime

Ultramarins
Charybde2
8

Critique de Ultramarins par Charybde2

À bord d’un cargo auteur d’une étrange et brève pause en plein océan, un moment d’intense éblouissement pour la commandante, l’équipage, la lectrice et le lecteur. Magnifique et troublant. Sur le...

le 21 août 2021

1 j'aime

Du même critique

Le Fils de l'homme
JulienCoquet
6

Hostile, la nature

Cinquième roman du lauréat du Goncourt du premier roman pour Une éducation libertine en 2008, Le Fils de l’homme se présente comme un survival où une mère et un fils se retrouvent confrontés à la...

le 20 août 2021

7 j'aime

1

Feu
JulienCoquet
8

Amour ardent

Histoire d’amour à la langue incandescente et surprenante, Feu se démarque de cette rentrée littéraire chargée. On commence à l’apercevoir en littérature, ce virus qui nous bouffe l’existence depuis...

le 31 août 2021

4 j'aime

Dans la maison rêvée
JulienCoquet
9

Comment raconter les violences conjugales

Explorant les violences conjugales au sein d’un couple lesbien, *Dans la maison rêvé*e se présente comme un thriller, montrant toute la difficulté à sortir d’une relation toxique. Une grande et...

le 20 août 2021

4 j'aime