Avenir radieux, dernier tome de la trilogie Les Années glorieuses… enfin, dernier pour l’instant, puisque Pierre Lemaître a déjà annoncé un quatrième volume, prévu sans doute pour fin 2026 ou début 2027.
Que dire sur ce troisième volet ? Nous sommes projetés en 1959, soit sept ans après Le silence et la colère. On reprend les mêmes, mais cette fois c’est la jeune génération qui pousse sur le devant de la scène. Et, comme toujours, l’arrivée d’une génération signifie l’effacement progressif de l’autre, idée qui traverse d’ailleurs tout le livre et que Lemaître ne cesse de souligner.
On retrouve un peu d’exotisme, comme dans Le Grand Monde, mais un exotisme moins flamboyant que l’Indochine : ici, ce sera la Tchécoslovaquie, derrière le rideau de fer. L’auteur continue de brosser son vaste tableau des mutations sociétales de l’époque : les débuts de la télévision et sa censure, les premières radios libres qui donnent une voix nouvelle aux citoyens, la place de la femme dans le travail (Hélène à la radio malgré sa grossesse), ou dans la famille avec l’inversion des rôles dans le couple de François. À cela s’ajoutent la peur grandissante du nucléaire, encore mal connue à l’époque, et les tensions de la guerre froide, rappelons que le mur de Berlin ne sera érigé qu’en 1961.
Mais la tonalité du roman s’assombrit toujours davantage. Je n’ai pas retrouvé l’humour noir, grinçant, qui faisait la force du premier tome. Comme dans Le silence et la colère, on reste dans le registre tragique : après la tentative d’infanticide de la mère dans le volume précédent, c’est le viol de Colette qui marque ce tome-ci. On sent clairement une volonté de Lemaître : chaque étape de la trilogie s’enfonce un peu plus dans la noirceur, jusqu’à la conclusion qui ne laisse guère espérer autre chose que le pire. La mort du grand-père, elle, sonne juste : fin d’une époque, disparition d’une génération, et donc presque une fatalité. La partie espionnage, en revanche, peine à convaincre : la fuite de François paraît peu crédible malgré son passif militaire, et la séquence de torture n’a d’autre fonction que d’appuyer sur le dramatique.
Il reste néanmoins ce couple infernal, Bouboule et Geneviève, pour maintenir une dose de folie, quelque part entre attachement et répulsion. Geneviève se découvre une nouvelle tocade pour l’astrologie, qui va assez loin et accentue son côté fantasque, presque délirant. À cela s’ajoute une incompréhension totale avec son fils : elle qui l’avait tant désiré au début, dormant avec lui, se met soudain à le rejeter sans raison claire, au milieu du roman, sans qu’on en saisisse véritablement la logique. Quant à Jean, fidèle à lui-même, il semble voué à tuer une femme par tome, comme si Lemaître tenait à rappeler au lecteur qu’il est irrécupérable, afin d’empêcher toute empathie trop facile. Ici encore, cette mort supplémentaire paraît superflue : on savait déjà à quoi s’en tenir sur son compte.
En définitive, Avenir radieux prolonge la logique des deux volumes précédents. Il a le mérite de nous plonger dans une époque et d’en explorer les enjeux sociétaux, avec quelques respirations de folie incarnées par son couple démoniaque. Mais pour le reste, rien de très surprenant : un roman qui se lit bien, qui fait passer le temps, mais qui n’apporte rien de réellement neuf et reste dans les conventions du genre.