Lisant cette forte, cette puissante histoire, j'ai éprouvé un peu le même sentiment que lisant Au nom de tous les miens : d'abord un ébahissement complet devant un tempérament, un courage hors du commun. Mandela, tout comme Martin Gray, mène son combat au nom de tous ses frères, de chacune de ses soeurs, de la mémoire de leurs ancêtres comme de l'avenir de leurs enfants.


Et puis je me suis surpris à penser que si, bien sûr ,la lutte qu'il engage est admirable de courage physique, d'endurance, d'abnégation de soi, le plus impressionnant peut-être tient encore à cette lucidité jamais perdue, cette intelligence aucunement abîmée, ce véritable, profond et émouvant humanisme qui anime son combat et reste intact malgré le sort : c'est l'humanité qu'il s'agit de sauver. Et « les siens » sont tous ses prochains.


Au-delà de la lutte pour le respect de ceux à qui il faut rendre leur dignité bafouée, de la justice qu'il faut rendre à ceux qui ont subi la torture, l'assassinat, l'ignoble sort de l'apartheid, au-delà de la guerre qu'il faut gagner, il faut aussi gagner la paix : avec l'autre, avec l'ennemi, et jusqu'à ceux que semble avoir quitté toute humanité. Il s'agit de refaire société, sans recréer d'exclusion, en dépit de tout ce qui a séparé, par-delà le mal subi.
Mandela s'efforce ainsi de comprendre les Afrikaners, ses geôliers, apprenant leur langue et leur histoire. Il noue le dialogue avec eux et croit comprendre petit à petit que cette minorité africaine a peur de disparaître face aux autres populations. C'est cette peur qui, lui semble-t-il, engendre une résistance bornée, se traduit par une violence aveugle et s'incarne dans un système de séparation et de discrimination indigne. Mandela est habité de tant d'humanité qu'à l'image de Jésus (oui, j'ose le rapprochement) il saura comprendre qu'aucune autre politique que le pardon ne permettra la réconciliation du pays : et que c'est bien là, la seule liberté possible, celle que l'on atteint par la paix.


Comme le dira plus tard, en 1995, Desmond Tutu au sein de la Commission nationale de la vérité et de la réconciliation : « Sans pardon, il ne peut y avoir d'avenir. Mais, ajoutera-t-il aussi, sans confession, il ne peut y avoir de pardon ». C'est pourtant bien cette disposition à pardonner, ce premier pas, cette incroyable capacité à tendre la main qui a été méprisée, frappée, ligotée, à celui-là même qui fut son bourreau qui permettra, la liberté formelle retrouvée, d'aspirer à la seule et vraie liberté : la paix entre égaux.

Julius-Grakus
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le 25 mars 2022

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