Vraiment et sincèrement, j'ai essayé.
Ouvrir Bonjour Tristesse c'est savoir qu'on va lire un livre qui a connu le succès et fait la notoriété de son auteure. Les premières pages m'ont presque convaincu, elles m'ont en tout cas donné envie. Mais ce qui devait être une accroche, la promesse d'une montée en puissance ne m'a rien donné, rien apporté. Bonjour l'ennui.
Ce roman, fort court, a trouvé le moyen de me lasser. Dès après le premier chapitre, j'ai été déçu dans la forme (moins bonne) et passablement barbé dans le fond. J'ai pourtant vraiment essayé : de comprendre, de me décentrer pour accéder à ce qu'il pourrait bien y avoir d'intéressant, de « remarquable » dans la vie facile, les plaisirs sans substance, les décors tout aussi superficiels : villas et soleil, mer et soirées mondaines ; dans le goût des réparties (assez pauvres qui plus est) plutôt que du dialogue ; dans toute cette sensualité surfaite, cette égocentrisme surjoué et cette oisiveté bêtement assumée. Même cette prétendue leçon (morale ?) que n'importe quel ado de 15 ans pourrait tirer plus vite s'il voulait bien regarder ce petit jeu à trois, et sans prétention à avoir fait, là, une découverte digne d'éclairer tout lecteur.
Le pire vient peut-être du fait que Sagan, certes jeune quand elle commit ce livre, croit, elle aussi sans doute, nous faire le « cadeau somptueux de nous laisser une chance de croire » (de penser) que toute cette logorrhée futile de personnages sans fond et qui prétendent en trouver en regardant au creux de leur nombril (pâles reflets d'une auteure qui imagine pouvoir en faire un sujet), que cette superficialité sidérale est bien un sujet puisqu'il trouve une fin tragique. Mais, en dehors même de la cohérence tout à fait discutable de la psychologie de la victime, c'est une fin très facile. Et il ne suffit pas d'un coup de volant dans le joli décor kitch élaboré en quelques coups de traits rapides pour que soudain l'on se pâme et puisse (doive ?) crier au chef d'oeuvre. En tout cas, très peu pour moi. J'ai même la tentation de croire que la bourgeoisie qui est ici portraiturée est victime d'injustice tant elle est caricaturée. Et qu'aucune jeunesse n'est si creuse que celle-ci qui croit ne pas l'être juste parce qu'elle sait faire des phrases et connaît du beau monde pour les publier.


Finalement, pour continuer sur ce ton volontairement méchant (façon de dire mon agacement), en refermant ce livre qui conclut sur le bonheur misérable et la tristesse (?) de son héroïne, m'est revenue en mémoire cette répartie de l'abbé de Villecourt qui, dans le merveilleux film de Patrice Lecomte, Ridicule, lorsque le héros, un baron comme on n'en fait pas, vient plaider la cause des (vrais) malheureux qui travaillent sur ses terres, lui répliqua : « pauvres gens. Et comme un malheur n'arrive jamais seul, leur seule évocation provoque l'ennui. »

Julius-Grakus
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le 21 déc. 2021

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