Voilà un roman puissant qui soutient l'attention du début jusqu'à la fin. Le lecteur est mis face aux souffrances des "Africains d'Amérique" et face au récit de la fuite de Cora, une jeune esclave dans une plantation de coton dans la Géorgie d'avant la guerre de Sécession. Une fuite que l'on peut dire peuplée par les péripéties et les rebondissements dans laquelle viennent s'immiscer d'autres voix, celles des personnages que l'on côtoie directement ou indirectement durant le roman.


Le chapitre sur Mabel, la mère de Cora, est sans doute celui qui me laisse l'impression la plus forte car Mabel hante les personnages du roman, qu'il s'agisse de Cora comme de Ridgeway. Pourtant, on ne voit véritablement Mabel que dans ce fameux chapitre et alors, tout le portrait qu'en ont construit les autres personnages s'effondre. Les dernières pages de ce chapitre sont empreints d'ironie tragique pour notre héroïne comme pour le chasseur d'esclaves mais ils n'en sauront jamais rien.


Le roman propose une vraie réflexion sur la notion de liberté, sur ce que cela signifie d'être libre. Bien évidemment, la question de l'esclavage aide énormément mais la fuite et le besoin de se cacher, d'être sans cesse en alerte, pose également des questions très intéressantes. Le passage le plus remarquable sur ce point est sans doute celui de Caroline du Nord où Cora se trouve obligée de vivre dans les combles de la maison de Martin et Ethel. Cora n'est plus l'esclave de la plantation de Terrance Randall, mais elle n'est pourtant pas libre de ses mouvements, elle est coincée dans un espace restreint, osant à peine respirer de peur d'être découverte. Est-elle véritablement plus libre à ce moment qu'elle ne l'était à la plantation ? Il semble, en effet, qu'elle quitte la servitude pour rencontrer la contrainte.


D'ailleurs, cette question de la liberté et de l'esclavage atteint tous les personnages, pas seulement les esclaves noirs. On peut se dire que le jeune médecin Stevens est l'esclave de l'argent, forcé de participer au pillage des tombes pour payer ses études. Ridgeway, comme Terrance, sont aussi les esclaves des obsessions qu'ils vouent à Mabel puis à Cora. Des obsessions qui les poussent malgré eux à entreprendre des actions extrêmes : continuer sans relâche sa traque pour l'un, augmenter démesurément la récompense de la capture de Cora pour l'autre. Ridgeway dira, d'ailleurs, que Cora a une emprise forte sur Terrance, sans s'apercevoir qu'il n'est pas si différent lui-même.


Pour le reste, la fin du roman est peut-être un peu abrupte, on n'a pas l'impression qu'il y ait vraiment de conclusion : la fuite ne s'arrête pas vraiment mais l'on comprend que Cora, comme le reste du monde, ne sera sans doute jamais totalement libre.

Juti
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le 27 déc. 2017

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