L'amour d'une mère et la douleur de l'absence

Au port, chaque pêcheur se souvient qu'elle est la veuve d'Yvon le Floch, son mari gardé au milieu des flots, son corps jamais rendu par la mer. S'habituer à un deuil sans corps, sans autre preuve que l'absence, sans rien pour déposer ses larmes. De veuve le Floch elle est devenue Madame Quémeneur, la femme du pharmacien, les regards, les convenances, pèsent si lourds ici. Les conversations cessent dès qu'elle arrive, les ragots, les rancoeurs, les rumeurs. Aujourd'hui, elle cherche dans sa nouvelle maison un coin à elle, un refuge, mais elle ne le trouve pas.


Depuis la naissance des petits, Étienne, son nouveau mari ne supporte plus son fils Louis, qui lui rappelle qu'elle a été la femme d'un autre homme. Elle s'épuise à cette vaine répartition de l'amour. Étienne a annoncé à Louis son départ pour la pension, le soir Louis n'a pas reparu. Il n'a laissé aucun message, il n'a rien dit au cours des jours précédents, rien qui puisse donner une piste, son absence est sa seule certitude, c'est un vide dans lequel elle sombre.


Il est son fils, sa vie, il s'est embarqué à destination de la Réunion. Depuis, chaque jour, elle l'attend. Elle longe la falaise, sur le chemin des douaniers, elle guette, elle fixe l'horizon pour y déceler le bateau qui la rendra à la vie. Elle lui écrit de longues lettres où elle lui raconte la fête et le festin qu'ils feront à son retour.


Le portrait magnifique d'une femme et d'une mère qui ne cesse de se tourmenter pour l'enfant un jour sorti de son flanc, qui est parti en mer, depuis elle le suit sur un globe terrestre, sa raison de vivre c'est l'attente de son retour. Les dernières pages sont absolument extraordinaires, elles nous transportent littéralement. Gaëlle Josse sait trouver les mots pour nous décrire d'une façon pudique et bouleversante, l'amour d'une mère et la douleur de l'absence. Une plume d'une grâce infinie qui nous touche au plus profond de notre âme.

feursy
9
Écrit par

Créée

le 19 mars 2018

Critique lue 296 fois

1 j'aime

Yves MONTMARTIN

Écrit par

Critique lue 296 fois

1

D'autres avis sur Une longue impatience

Une longue impatience
Cinephile-doux
7

Chagrin d'absence

Que lire après avoir terminé l'ébouriffant 4321 de Paul Auster ? Changer de style, d'univers, de rythme, d'écriture et d'ambition. Avec Une longue impatience de Gaëlle Josse, une auteure discrète...

le 7 févr. 2018

2 j'aime

Une longue impatience
pinkfloydbini
8

Critique de Une longue impatience par pinkfloydbini

"Je suis seule, au milieu de la nuit, au milieu du vent. Je devine que désormais, ce sera chaque jour tempête." Un soir Louis seize ans, ne rentre pas. Le livre nous dévoile les pensées d'Anne sa...

le 22 oct. 2018

1 j'aime

Une longue impatience
NATHAVH
10

Un petit bijou

Je termine avec beaucoup d'émotion le dernier roman de Gaëlle Josse, lisez-le il est sublime. Nous sommes en Bretagne dans les années 50. Louis 16 ans, le fils d'Anne a disparu. Faut dire que les...

le 22 sept. 2018

1 j'aime

Du même critique

Betty
feursy
9

beau et poétique

Prendre le temps nécessaire pour rédiger cette chronique. Choisir les mots, relire les phrases pour être certain de bien faire ressortir toutes les émotions ressenties à la lecture de ce roman à la...

le 11 janv. 2021

10 j'aime

Les Aiguilles d’or
feursy
9

Critique de Les Aiguilles d’or par Yves MONTMARTIN

An de grâce 1882, les cloches de New York annoncent la nouvelle année. La famille du juge Stallworth décide de lutter contre la dégénérescence morale de cette ville : salles de jeux clandestines,...

le 30 août 2023

7 j'aime

Le Grand Monde
feursy
9

de la belle littérature

Le récit commence le jour où Louis Pelletier entouré de sa femme et de ses quatre enfants célèbre la réussite de sa savonnerie, un des fleurons de l'industrie libanaise. de mars à octobre 1948, de...

le 14 févr. 2022

7 j'aime