"Une maison de poupée" est la pièce la plus célèbre du dramaturge norvégien Henrik Ibsen et cette notoriété lui vient essentiellement de l'audace de son thème et du scandale que la pièce a provoqué en ce dernier quart du XIXème siècle.
Nora est une jeune femme mariée et mère de deux enfants. Issue d'un milieu petit-bourgeois, elle a connu les affres d'une situation sociale bâtarde, avec un statut d'"honnête de femme" à honorer tout en étant soumise à des impératifs pragmatiques comme le manque d'argent.
Le personnage de Nora donne le sentiment d'énormément évoluer au cours des trois actes que compte la pièce mais, en réalité, au tomber de rideau, le lecteur/spectateur se rend compte que Nora a toujours été Nora et que c'est grâce à l'expérience (aux vicissitudes de la vie) qu'elle se révèle Nora à ses propres yeux, et aux yeux des autres.
Une grande et puissante sensation d'émancipation et de libération traverse l'oeuvre et emporte le lecteur/spectateur vers un dénouement extrêmement audacieux pour l'époque, en contraste total avec l'entrée en matière de la pièce qui se présente presque comme un vaudeville. La gravité du ton qui va crescendo donne une amplitude et une intensité rares au jeu des personnages/acteurs.
Henrik Ibsen s'est distingué par sa position sur la place de la femme dans la société et avec "La maison de poupée", il se campe en précurseur de la défense de la cause féminine. A commencer par donner le rôle clé à une femme, à première vue superficielle et dominée par les hommes qui l'environnent.
Toute la pièce est axée sur Nora, les autres personnages étant de simples satellites en orbite autour de cette femme solaire, mystérieuse, féminine, tiraillée par la domination du père, puis du mari, puis du soupirant, puis de l'usurier et cherchant désespérément la sortie de la cage. Il y a également une forme de suspense dans le déroulé de la pièce, une tension tant physique que psychologique, de laquelle naît une émotion vraie.
Même si je pense qu'un lecteur actuel ne peut pas pleinement ressentir le réel parfum de scandale qui enveloppe cette oeuvre, une remise dans le contexte permet de toucher du doigt ses enjeux ; et en quoi "Une maison de poupée" a été (et reste) une pièce avant-gardiste.