Une vie
7.2
Une vie

livre de Guy de Maupassant (1883)

Nouvelliste exceptionnel déjà reconnu autant par le public que par ses pairs, Maupassant tente avec Une Vie une entrée dans le roman pas maladroite, mais malheureusement entâchée de certains "tics" d'écriture propres à l'habitude du format court.

Récit dense et tassé, Une vie brasse les thèmes de prédilection de son auteur : vie provinciale et campagnarde au coeur de la Normandie, médiocrité du quotidien, perversion des hommes, impuissance face à l'adversité...on retrouve la cruauté jouissive de certains récits des Contes de la Bécasse (parus la même année), le sort s'acharnant ici sans fin sur Jeanne Le Perthuis de Vauds, jeune rêveuse éplorée de la petite noblesse normande que les vissicitudes de l'existence vont se charger de mener au bord du gouffre, certes jusqu'à rendre le roman quelque peu déprimant.

Car si la force de Maupassant dans ses contes est de dépeindre tour à tour avec sérieux puis légèreté la médiocrité des hommes, il n'entre pas une once d'humour dans Une vie, et chaque pallier franchi dans le malheur par l'héroïne semble dicté par une volonté de dérouler le récit selon un plan très schématique fait d'escalade dans le trouble et de régression des idéaux, ce qui rend le tout plutôt prévisible.
Seul le dénouement ouvre une voie que l'auteur laisse à son lecteur le soin d'explorer s'il en ressent l'envie (la fin étant ouverte), mais cela laisse l'impression un peu vaseuse d'avoir été gratifié d'une dernière pirouette en guise de conclusion ; impression fondée par l'aspect quelque peu artificiel de l'ensembe : parti d'une idée de départ assez maigre (la lente déchéance d'un personnage au début pétri d'innocence, qui apprend à ses dépends que le sort est un bien mauvais camarade lorsqu'il a décidé de ne pas satisfaire à vos idéaux), Maupassant paraît forcer le récit de manière à meubler une histoire à la base un peu trop riche pour former seulement une nouvelle, mais trop cloisonnée pour fournir matière à un roman exempt de redondances.

Néanmoins, ne blâmons pas trop Maupassant sur des questions de style : le dénuement apparent des descriptions, l'énonciation sèche et directe des péripéties, la psychologie simple, quasi-allégorique des personnages, révèle une science du dépouillement et de l'exactitude établissant un récit sobre à la fluidité exemplaire. Tout s'enchaîne presque mécaniquement, ce qui accentue d'autant la sensation de fatalité que ce destin implacable inflige graduellement à la pauvre Jeanne.
Seulement en raison de cette compétence stylistique semblant convenir mieux au domaine de la nouvelle (dans lequel Maupassant excelle) qu'à celui du roman, Une vie sombre quelque peu dans les redondances et procure la sensation au lecteur de suivre un plan sagement établi.
Dommage !
T_wallace
5
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le 20 févr. 2013

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T_wallace

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