Vernon Subutex est vraiment un quidam parmi les quidams. Au début du tome 1, sa vie glisse peu à peu vers la précarité intégrale, plus de quoi bouffer, plus de quoi fumer, encore un peu de thunes pour acheter des bières... Et bientôt plus de logement.
Et derrière, une intrigue qui se noue. La recherche d'une vague relique d'un chanteur mort.
Mais, dans ce tome 1, ce qui tient vraiment, fondamentalement la lecture, c'est la galerie de portraits. Naviguant de logement en logement de connaissances lointaines ou proches, passées ou présentes, Virginie Despentes nous montre plein de personnages. Ils ont tous plus ou moins cabossés, et s'ils ne le sont pas, ils ne font pas l'objet de beaucoup d'estime de la part de l'écrivaine. Et on sent qu'elle les a tous beaucoup travaillés, elle est allée très loin, dans leur histoire passée, dans leurs désillusions, dans leurs modes de fonctionnement.
C'est tragique, quasiment tout le temps, dépourvu d'espoir. Mais il y a Vernon. Tout glisse sur lui, il se fout d'à peu près tout, mais il propose, aux yeux des gens qui l'accueillent de plus ou moins bon gré, deux qualités :
- c'est le meilleur DJ qui soit, celui qui sent l'ambiance de la salle, qui a une connaissance encyclopédique du rock et qui sait quoi passer à quel moment. J'ai rarement shazamé autant que pendant la lecture de ce tome
- son jeanfoutisme apaise son entourage, cela le rend lumineux, attractif, séduisant
Vernon glisse sur la vie. D'aucuns pourraient dire qu'il passe à côté de sa vie, mais je ne crois pas que c'est ainsi qu'il le ressente. Il accepte ce qui lui arrive comme étant sa vie, et il trouve ses petits plaisirs avec ça. Et de toute façon, il rebondit d'un endroit à un autre sans forcer.
Il est autant cabossé que les autres, mais il a ça. Cette capacité à faire glisser et la musique. Et de façon habile, Despentes nous le fait glisser d'un logement à l'autre et nous fait rencontrer toutes ces femmes et tous ces hommes qu'elle arrive très vite à nous rendre proches, même les plus hystériques, même les plus cyniques.
C'est rock, mais c'est sans posture.