Le projet de Plutarque lorsqu'il écrit, entre 100 et 120, les Vies Parallèles est passionnant, mêler la vie de deux illustres hommes, allant de pair, un grec et un romain, en utilisant de (très) nombreuses sources, allant de Tite-Live à Cicéron en passant par Salluste.


Ici, je vais uniquement m'attarder sur le portrait croisé de Marc-Antoine et Démétrios Ier.


Le premier ([-83 ; -30]) fut un grand général romain ayant notamment œuvré au côté de César en Gaule, devenant l'héritier politique de celui-ci et formant un triumvirat avec Lépide et surtout Octave. Ce dernier, qui deviendra Auguste, s'opposa à Marc-Antoine, alors devenu maitre de la partie orientale de la république romaine, et perdra, au côté de Cléôpatre, une bataille qui sera symbole de la transition entre la république (certes déjà mise à mal depuis longtemps) et l'Empire.


Le second vécut entre 336 et 283 avant J.-C., fut d'abord un général macédonien au côté d'Alexandre le Grand, et deviendra roi d'Asie (équivalent d'une partie de la Turquie ainsi que les territoires lorgnant vers la Méditerranée jusqu'à, à peu près, l’Égypte) puis de Macédoine.


Issu de la dynastie des Antigonides (fondé par son père, ou son oncle selon Plutarque, Antigone le Borgne, qui s'est lui aussi battu au côté d'Alexandre avant de fonder sa dynastie et d'hériter d'une des parties des conquêtes), il a, lui aussi un parcours fascinant. Sa vie se déroule principalement sur des champs de batailles allant de l'actuelle Grèce à l'Anatolie en passant par les îles de la mer Égée, la Macédoine ou encore la Syrie, là où il sera définitivement défait.


Il passa donc sa vie à se battre, avec beaucoup de succès, tant sur mer que sur terre mais son ambition et sa fougue lui feront aussi connaître de cuisantes défaites. Séducteur et grand guerrier, symbolisé, comme Antoine, par une certaine débauche, il participa à bien des moments importants de l'Histoire antique, à l'image des guerres contre Pyrrhus ainsi que sa chute face à Séleucos, près de la Syrie actuelle, lui aussi illustre général d'Alexandre le Grand.


Plutarque sous-entend la fascination qu'ont les romains pour cette époque, ses grands guerriers et les grandes épopées alors que l'héritage d'Alexandre fut définitivement dissous lorsque Cléopâtre dut perdre son trône, au côté d'Antoine.


Dans les deux portraits, Plutarque est humaniste, il n'est pas juge mais se pose en témoin, et sous-entend même que le portrait de Marc-Antoine dans l'Histoire d'alors est sûrement biaisé (ennemi d'Auguste, d'abord très populaire, il fut dépeint par la propagande comme débaucheur sous l'emprise de la reine égyptienne).


Le portrait d'Antoine a toujours été fascinant, tant à l'époque de Plutarque que maintenant, on peut rappeler que sa figure a inspiré de grands noms comme Shakespeare ou Mankiewicz. L'auteur n'oublie pas non plus de préciser que d'illustres empereurs sont ses descendants (Claude, Néron & Caligula). Le portrait d'Antoine est tout aussi fascinant, on voyage dans une république à l'agonie proche de devenir un empire, mais continuant de s'étendre, on y suit les batailles en Gaule, face à Pompée, puis face à ceux qui ont tué César justement en Macédoine, ainsi que sa prise de Rome puis ses aventures en Égypte jusqu'à la triste bataille d'Actium en -31.


Le portrait croisé permet de voyager dans deux époques passionnantes, et surtout Plutarque montre les liens entre ces deux hommes. Contrairement à d'autres portraits, ici c'est la débauche qui est parfois mise en avant, mais aussi le côté fascinant de ces guerriers et séducteurs qui n'ont jamais su se contenter de ce qu'ils ont. Tous deux ont perdu à cause d'un excès d'ambition et d'une vie avec peu de mesure, et tous deux sont tombés face à des hommes dont ils furent pourtant proches pendant un temps.


Dans ses portraits croisés de Marc-Antoine et Démétrios Ier, Plutarque retient l'homme, ses ambitions et les limites de celles-ci, il ne se pose pas en juge mais en biographe et pose des réflexions sur l'humain principalement mais aussi l'histoire (pertinentes à toutes les époques) et le regard que l'on a dessus.

Docteur_Jivago
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le 16 nov. 2022

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