Une oeuvre brûlante, radioactive, au contact de laquelle on ne saurait perpétuer dans son état de tranquillité, au mépris total de la première loi de Newton.
Mon propos n'est pas de d'analyser la puissance de l'oeuvre et la place particulière qu'elle occupe dans la littérature française du XXème siècle car je ne saurai prêter à mes modestes talents d'ingénieurs une quelconque habileté à la critique littéraire.
J'aimerais discuter de ce que révèle la psychologie du héros, Ferdinand Bardamu car vous conviendrez que la psycho est à la portée du premier venu, on fait même des magazines là dessus.


Comme nous le savons tous, le NSDAP a bâti son accession au pouvoir, d'une part en pactisant avec les milieux industriels et financiers de son pays, est-il besoin de le rappeler tant cet acoquinement tombe sous le sens, d'autre part en exploitant la dialectique du poignard dans le dos.


Tandis que le combattant Allemand défendait avec virilité son honneur au front, dans les conditions que l'on connait, les femelettes de l'arrière frappaient le pays d'un coup de poignard dans le dos. Les femmes, les juifs, les fonctionnaires, les brigands, les étrangers, tous ont été soupçonnés plus ou moins violemment et les victimes collectives du nazismes ont été désignées naturellement par ces croyances populaires, nées au lendemain de la guerre.


Or ce roman est véritablement celui de la première guerre mondiale, vécue du côté Français. On constate, sans vraiment s'étonner car après tout, était on si différents de part et d'autre du Rhin, que Bardamu exprime exactement ce même ressentiment, en particulier contre les femmes, qui profitent de la guerre pour se laisser pousser un héroïsme de l'entrejambe, vendant leurs charmes à travers la ville.On retrouve la hargne contre les fonctionnaires, notables, ecclésiastiques, et tout ce que la France compte de citoyens "aux affaires" qui sévit déjà en Prusse, en Saxe et en Bavière.
J'ai été frappé que, contrairement à ce que prétend la lecture historique a posteriori, nos deux peuples séparés par le Rhin étaient dans le même état d'humiliation et d'amertume, et ce n'est véritablement que l'étiquette de vainqueur (et la terrible dette de Versailles) qui a permis aux uns de se garder de l'hystérie collective. Aux autres l'hystérie individuelle, celle de Madelon poursuivant son Léon Robinson jusqu'à Paris, celle de Bardamu quittant l'Afrique.


Cette oeuvre, c'est celle du fond. Des couches du fond de la société, du fond de l'âme au milieu des chemins de Moselle, du fond de la conscience, du fond qu'on atteint après avoir excavé l'honneur collectif puis la dignité individuelle. Le fond qu'on pressent mais dont nul panneau ne signale le début.

Fabrizio_Salina
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le 8 mai 2016

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