L'existence de ce pauvre André Baillon ressemble à un roman feuilleton, mais si cela suffisait pour rester dans la postérité, ça se saurait. A voir la qualité de son "Zonzon Pépette", le fait qu'il soit si oublié aujourd'hui étonne un peu plus. Sauf qu'on sait bien qu'en ces affaires-là, aucune logique ne règne. Et puis quoi, plutôt que de rajouter un énième "quel dommage que plus personne gnia gnia gnia", lançons plutôt à la manière de la brave Zonzon un tonitruant : "Frères humains qui après nous vivez, je t'emmerde".

Enfin non, la Pepette n'est pas brave en fait. Elle gueule sur tout le monde, elle va au turbin avec un poil dans la main, elle change de mac plus souvent que de chemise, et la gourgandine imaginez-vous qu'elle se fait dézinguer dès le premier chapitre. Comme dit l'auteur : "il est peut être idiot de commencer la vie d'une femme par sa mort, mais enfin si l'on vit c'est pour qu'on meure. Et même c'est comme on vit, que l'on meurt". Oh mon Baillon, moi c'est là que j'ai commencé à t'avoir à la bonne. Enfin pour être honnête, je m'étais dit déjà "woaille, un type qui ose appeler son bouquin Zonzon Pépette, il est soit débile soit génial". Faut croire que tu savais très bien ce que tu faisais.

Ton style à toi, Dédé-l'anguille, c'est d'aller au plus près de tes personnages, tellement près que tu te mets à parler comme eux. Gouaille à tous les étages, et vas-y qu'on t'espigoule et qu'on te ratifriche. J'en connais un autre qui faisait ça, et pas parce qu'il venait du ruisseau. Non, parce qu'il aimait les trésors d'invention que la rue déploie quand elle parle. Son petit nom c'était Raymond, et sa Zonzon Zazie, mais bon, revenons à nos moutons. Ton écriture fait mouche, car à mon avis ton intelligence est de refuser tout commentaire sur ce que tu es en train de raconter, et de laisser l'émotion sourdre des tranches de vie que tu découpes avec la dextérité de Jack the Ripper. Un mot bien placé, ou un silence, ou une image toute simple semblant tombée là par hasard, et c'est bizarre y'a comme une boule qui se forme dans le ventre, ou la gorge... Ça me rappelle un zigue qu'était pas mal fortiche dans l'genre d'exercice. Son blaze c'était Louis Ferdinand, mais on s'en tape. Ce qui compte c'est que malgré les bannes et les bannes de pages imprimées depuis, ton tombeau à Pépette, gueulard comme une grue en pétard, et fragile comme un moineau tombé du nid, est encore là cent ans après pour faire entendre la voix de ceux qui n'ont jamais le droit d'être pris au sérieux. Et pour le reste ? "Acré-lazigoula-lazigouillette" comme disait Zonzon.
Chaiev
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le 1 mars 2013

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