Tornado of Souls
8.5
Tornado of Souls

Morceau de Megadeth (2004)

Mardi 22 septembre 1992. Paris, France, Système solaire.


On arrive avec Laurent Bellemont (les prénominations ont été changées) Porte de la Villette.
On devrait être en cours mais on sèche, ce soir joue en ville mon groupe préféré, Megadeth.
Ce soir, ma gueule, je vais être dans la même salle que l’excellent Dave Mustaine, je vais voir le dragon roux en vrai. Si Dieu veut, être brûlé par ses feux mais, surtout, je vais partager le même oxygène que mon héros: Marty Friedman.


Ah Marty Friedman, frérot.


Je connaissais tous les solos du Frisé Souriant.
Note pour note.
À la bouche.
Crampe post-cunni de la langue assurée.


Et, mon ami, je ne vais pas te mentir, il n’est pas rare qu’aujourd’hui, ton serviteur lalalise encore sur le tonitruant Tornado of Souls (ça commence à 3 minutes et 9 secondes) qui était ce qui ressemblait le plus à mon solo guitare préféré de l’univers.
La dernière fois, c’était pendant une réunion avec mon boss.
Je l’ai joué 3 fois et demi.
Dans ma tête.
Mais ça compte.


Ce solo, quand il arrive, quand il le pose de ses doigts de miel sur son manche en acajou, c'est comme voir un oiseau jovial bien qu’un brin mélancolique s’échapper de sa cage pour survoler un océan de perplexité amère.


Je pensais qu’après ça, je pouvais mourir, léguer mon corps à la science.
Alors que je n’avais pas encore vu Zidane marquer 2 buts en finale de la Coupe du Monde face à des Brésiliens penauds mais surtout désarçonnés par l’étalage éhonté de tant de classe berbère.


À cause de ce connard de Bellemont, on était arrivés Porte de la Villette, mais genre un arrêt de PC après.
C’était l’époque où j’aimais pas marcher alors que j’avais même pas le permis de conduire.


Donc, à cause de ce con, on remontait le boulevard qui longe le périph’ comme des putes.
Avec nos tentatives de cheveux longs, nos T-shirts, Maiden pour lui, Richie Sambora pour moi, et nos Américanas.
Heureusement que c’était le matin, les pervers devaient aller bosser, mais ça les empêchait pas de klaxonner.
J’avoue, j’ai un peu kiffé.
Ça fait quand même un petit quelque chose d’être désiré.
Bref.


On voit l’horrible baudruche grise du Zénith se dessiner sur notre droite tandis qu’on entretient nos looks et nos souffles, Bellemont et moi, en tirant sur nos clopes.
Moi, un machin manufacturé par mes soins.
Lui, des clopes light et longues.
Je l’appelais Catherine Deneuve.


On arrive à une entrée de parking.
Personne.
On se regarde.
Bim, on engage ma voiture invisible dans la descente.
En bas, un grillage avec, garés derrière, de gros autocars sombres.
On se regarde.
Sa daronne en tutu, ils sont arrivés.
On passe la quatrième.


Il y a quelques connards de fans qui sont déjà là.
Putain, les gens, ils n’ont pas de vie.
Agglutinés contre le grillage, ils lancent des « Megadeth ! Megadeth ».
Ils me dégoûtent.
On passe devant.
Bellemont a pris ses menottes, on s’accroche à la grille.


Là, un mec qui mangeait un kebab derrière nous me tape sur l’épaule et m’apostrophe en Javanais du Texas.
Le genre crasseux pire que nous, dégueulasse.
Avec des poils partout.
Mais partout.
Je sais, il était en bermuda.


Je lui dis qu’il est mignon mais que j’entrave que dalle à sa langue de loufiat, qu’il faut arrêter de me toucher avec ses doigts mouillés de jus de viande et de salive.
Cherche pas salopard, tu vas savoir comment je m’appelle.
Tu ne passeras que sur ma carcasse froide.
Y’a pas !


Visiblement, l’hirsute et moi, on se comprend pas.
Je fais appel à Bellemont qui a toujours été le linguiste de notre duo mais qui, visiblement, fait un AVC. Ç'a toujours été le faible de notre duo.
Quand on est allés voir les Guns à l’hippodrome de Vincennes, il s’est évanoui dès le début du set d’Axl et ses sbires.
De gros noirs de la sécurité l’ont sorti du public comme une brindille.
Sacrée Catherine et son corps de lâche.
Bref.
Je lui demande :« ça va, ma couille ? »
Catherine reste statique, l’oeil toujours torve, mais arrive quand même à bredouiller un «C’est...Dimebag...Darell...faut...laisser...passer...».
Je m’ exécute en demandant « Qui ? »
« Darrell ! Le guitariste de Pantera ! »
« De quoi ? C’est pas Megadeth ce soir ? »
« Pantera, c’est la première partie, ducon »
« Ducon ? T’es sûr ? »
« Ouaip, t’es une merde »
« Ah ouais ? »
« Ouais »
« Mais genre une merde à s’évanouir devant un mec qui mange un kebab ? »


Là, je vois un type sortir d’un bus et se diriger spontanément vers nous.
Il porte une chemisette de bûcheron coupée aux épaules, un pantalon moulant qu’on dirait sa peau et une masse de cheveux noirs indécente.
On sent qu’il vient pas pour en découdre, qu’il vient en paix.
Je réalise que Dieu existe lorsque je reconnais Marty Friedman.
Il checke les parasites aux yeux exorbités que nous sommes et adresse à mon endroit un chaleureux « Shalom »
Je reste coi.
Je me tourne vers Bellemont.
« Mec, je crois que Marty Friedman est juif »
Il me répond: « T’es con ou quoi ? »
« Mec, Friedman est juif ! »
Il me dit:
« Et alors ? Moi aussi je suis juif »


Double effet Kiss Cool.
Purée la crampe, Catherine Deneuve est juive.
Je lui dis
« Bellemont est juif. Avec ce corps de nazi, Bellemont est juif. Bon, c’est pas grave, je te garde quand même »


C’est quand Pantera a commencé son set que j’ai compris que ma vie avait changé. Quand j’ai entendu Darrell sur scène, sa guitare comme une mitraillette.
La révélation.
Quand je pense que ce mec a été assassiné sur scène.
Pas ce soir-là, hein, mais quand même.
C’est grave, ça.
T’as envie de tuer un artiste, c’est chaud mais ok.
Mais tu prends pas Dimebag !
Il arrive pas en tête de liste, normalement.


Et c’est là, dans la fosse que j’ai reconnu Céline, la grande sœur de Cyril Gouvet, un mec de la cité.
Dans la fosse, la meuf .
Déchaînée, une furie pendant le set de la clique à Anselmo.
Moi, je la matais, scrutant les fruits défendus qui ballottaient dans les plis du tissu.
La lumière rallumée, elle se tourne et se dirige vers nous.
Elle me dit
« Tiens, t’es là toi ? »
Je réponds.
« Ouais, carrément et toi ? »
Elle dit
« Trop !!! Pantera c’était une tuerie. C’est bon je me casse. »
Je dis
« Ah bon ? Tu restes pas pour Megadeth ? »


" Nope. Depuis qu’ils chantent en français, c’est de la musique de tapette. Allé, tchussssss "


La bise.

DjeeVanCleef
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le 12 févr. 2020

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shun51
6

Critique de Tornado of Souls par shun51

Un peu de mal avec la voix, mais la puissance de la guitare est impressionnante. Solo décapant et bien solide. Une belle montée en puissance.

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