“La chanson « Tornado Of Souls » de Megadeth explore les conséquences d'une relation toxique, où le personnage trouve du réconfort dans le chaos et la destruction qui l'entourent. La tornade symbolise le bouleversement émotionnel et les tendances autodestructrices qui rongent le personnage, le conduisant à prendre conscience de la toxicité et à la fin inévitable de la relation.” Voilà ce que j’ai lu dans un quelconque magazine qui tentait une analyse réfléchie et sereine d’un monument de bruit et de fureur. Un genre de journaleux à trottinette électrique nourri à l’ IA et à la purée de carottes qui vient mettre des mots pré-mâchés sur une patate de forain en plein pif. Parce qu’au final, ce n’est rien d’autre qu’un énorme, un flamboyant, un tonitruant coup de pied au derche. Une piste folle plantée dans un monument de Thrash Metal.
Lorsque Megadeth sort “Rust in Peace” en septembre 1990, le Divin rouquemoute Dave Mustaine est encore furieusement imbibé de substances en tout genre et vient de débarquer, dans un accès de fureur dont il est coutumier, le guitariste Jeff Young et le batteur Chuck Behler qui officiaient sur l’album précédent. Megadeth redevient alors une page blanche sur laquelle l’une des plus belles pages du Metal va s’écrire. Une page presque blanche, puisque deux noms restent inscrits sur cette copie aux nombreuses ratures et aux traces de gomme encore visibles : Dave Ellefson le bassiste, et le leader du groupe, l’ingérable Dave Mustaine. Le duo recrute alors un jeune guitariste qui a fait ses armes dans le confidentiel groupe Cacophony, un certain Marty Friedman. Lorsqu' il se présente devant le patron du Meg’, Mustaine se fout de sa gueule et lui balance son pied au cul (Friedman avait à l'époque les cheveux teints de deux couleurs différentes), mais après avoir écouté son premier album solo Dragon's Kiss il revient sur sa décision et décide d’engager ce jeune virtuose. Derrière les fûts ce sera l’assistant technique de Chuck Behler, un certain Nick Menza, qui viendra s'asseoir, puisque Mustaine sur un énième coup de sang parfumé à l’héroïne, virera Behler qui a eu le malheur de ne pas se présenter à une répétition. Le nouveau combo est désormais créé et va donner naissance au sommet de la carrière du Meg’ et à l'un des albums les plus influents du Thrash Metal : Rust in Peace.
Placé au cœur de l’album, tu viens déjà de subir les assauts répétés de Holy Wars... The Punishment Due, de Hangar 18 ou du riff monumental de Poison was the cure lorsque un riff en harmoniques naturelles palm-mutées s’empare de l’espace tandis que la batterie vient breaker sur les temps. Cette introduction va laisser place à un riff comme le grand rouquin à la voix nasillarde sait les pondre, un riff tout droit sorti du paradis Metal, un Saint-Graal qu’un Dieu à cheveux longs et veste en jean, fleurant bon la binouze bon marché, aurait refilé à Mustaine en skred, un riff-Excalibur que seul le plus grand forgeron de Metal a su extraire du rocher Rock. Un morceau de guitare qui vient marquer au fer rouge ton cerveau adolescent en recherche permanente d’adrénaline musicale. Les paroles ? relation toxique, bla, bla, bla. Bouleversement émotionnel, bla, bla bla. Rien de tout ça, mec ! Mustaine vient de dégager sa meuf et chiale comme une pucelle. C’est tout. L’intensité de la voix de Dave où la rage et la haine s’exhalent en stridences aiguës, et presque justes, bouffent littéralement l’émotion de ces lamentations écrites. Un Mustaine rongé par la came et la jalousie qui offre un monument de Metal lyrique et douloureux, un Thrash Metal toujours aussi violent et saturé, mais dont l’émotion à fleur de peau te prend à la gorge et te fait dresser les poils du dos.
Lorsque la césure intervient, que le riff est repris en choeur par les deux guitaristes, Menza en profite pour rajouter un petit groove à sa batterie juste avant un pont en crescendo qui annonce l’orage qui va te tomber sur les pompes. Marty Friedman décide alors de balancer la foudre et fait pleuvoir des notes folles dans un solo dont beaucoup s’accordent à dire qu’il est le plus beau de l’histoire - déjà longue - du Metal. Friedman fait l’amour à sa gratte et c’est toi qui as un orgasme, le soliste caresse son manche avec la dextérité d’une MILF de 45 piges et t‘offre une éjaculation de notes dégoulinantes qui viennent souiller ton vieux perf’ râpeux. Une extase musicale et une virtuosité prodigieuse pour un solo qui fait instantanément son entrée au panthéon du Metal : “Quand j'ai terminé le solo, Mustaine est entré en studio, l'a écouté une fois, s'est retourné et, sans un mot, m'a serré la main. C'est à ce moment-là que j'ai eu le sentiment d'être véritablement le guitariste du groupe. » explique Friedman. Les Dieux de la 6 cordes soufflent sur Marty qui nous livre, le temps d’un solo, quelques secrets bien gardés de l’Olympe métallique. Après cet orgasme mélodique, le rythme ne retombe pas, Menza vient terminer cette épopée brutale exaltante par un Blast Beat bien punk , accélérant le rythme, emportant dans cette tornade, comme son titre le laissait présager, ton âme et quelques points d’audition.
La tornade a tout dévasté, l’orage est passé. Vivement la prochaine.