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Saisons 1 et 2

Les curieux ayant suivi le parcours de Ryan Murphy depuis Nip/Tuck, ont probablement tenté d’ignorer leurs inquiétudes à l’annonce de son nouveau projet, portant le nom fort évocateur d’American Horror Story. On a pu en effet constater que son « drama médical » oscillait inlassablement entre génie et grotesque et une approche très personnelle et caricaturale trahissait un manque de finesse trop surligné pour être involontaire.
Une technique forcément contestable qui va pourtant permettre à sa nouvelle production de se distancer des autres divertissements du genre tant les univers y sont représentés sans clivage, tel un trombinoscope cauchemardesque de clichés horrifiques. Mais cette assortiment peu digeste n’a rien d’une marque d’aversion, elle se présente surtout comme une expérimentation sensorielle couplée à une étude sociologique qui respecte intelligemment les codes.

Amyty/veaude ville
Pour bien affirmer son credo, Le récit de cette première saison s’axe autour d’une maison hantée, le poncif par excellence. Cette facilité laisse forcément supposer que le réalisateur ne se privera pas d’épandre son tempérament sur ce matériau comme il a pu le faire sur Glee et de réduire cet endroit à un décorum ou se succèdent assauts d’ectoplasmes et effets poltergeist cadencés par des « jumping scares » itératifs. Il va principalement heurter l’image d’une société dont le conformisme altère progressivement humanité et personnalité. En se focalisant sur une famille au bord de l’implosion, il traite, par le prisme du vaudeville revisité, le besoin d’émancipation bridé par la standardisation. Le mariage, les enfants, la vie de famille, toutes ces notions sont disséquées et malmenées au travers de plusieurs intrigues parfois accessoires.

Mais cela ne s’arrête pas là, de nombreuses libertés sont prises, que ce soit dans la réalisation, dont le montage tantôt posée, tantôt épileptique, risque de diviser mais également dans l’illustration des revenants, rodant et intervenant librement dans la communauté des vivants motivés par leur frustration et regrets. Une représentation personnelle et un détournement plutôt habile de l’univers du soap qui renvoie implicitement aux tribulations des deux chirurgiens ou sexualité trash et violence clinique s’entremêlaient avec complaisance mais dont les limites ont été, ici, largement repoussées. Mais cette grande mixtion, aussi singulière et explosive soit elle, se clôt étonnamment sur une conclusion réflexive et plus délicate, en opposition totale avec le développement, un parti pris surprenant mais appréciable.

L’horreur est humaine
Si bien qu’entamer cette seconde incursion titrée Asylum, relèverai presque de la curiosité perverse et la vision des deux premiers épisodes confirment que le premier conte macabre n’était qu’un exercice préparatoire, une fenêtre donnant sur l’enfer et par laquelle nous allons lorgner dans cette seconde saison. La narration, évoluant essentiellement sur deux périodes, emboîte le destin de plusieurs résidents et gérants de l’asile Briarcliff dans les années 1960.
En plus de surligner le décalage générationnel, L’intrigue est composée d’éléments inattendues, voire contestable, mais captive tant les obsessions de Ryan Murphy y sont illustrées avec viscéralité. On peut y contempler sa monstrueuse parade symbolisant marginalisme et minorités tel les Stigmates d’un monde auto destructeur. Ces « patients » y sont fustigés et anéantis progressivement par les deux corporations antagonistes que sont la religion et la science aveuglées par un déni constamment attisé part leurs visions étriquées. L’accusation n’est même pas dissimulée, l’homophobie, le racisme et tout un pan sombre de nôtre histoire sont montrés du doigt. Si bien que l’utilisation malicieuse de cette ancien manoir ténébreux accueillant martyrs, désaxés et exclus renforcent le malaise et la noirceur de l’ensemble.
En multipliant les personnages et redéfinissant le soap, cette saison, dont l’intensité risque d’en décontenancer et révulser certains, demeure une expérience en phase avec ses intentions. Si bien que les défauts techniques ne parasitent que rarement les sensations que l’on peut éprouver tout au long de cette attraction télégénique, sorte de progéniture impétueuse et insolente du Prince des ténèbres (de John Carpenter). A ce rythme, American Horror Story pourrais bien statuer, s’il parvient à se renouveler intelligemment (ce qui est moins sûr), au rang d’incontournable du petit écran.
KrisMery
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le 23 juil. 2013

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Kris Mery

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