BoJack Horseman
7.6
BoJack Horseman

Dessin animé (cartoons) Netflix (2014)

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Il fut un temps, pas si lointain, où les séries dites "satiriques", soi-disant pour les adultes, avaient le vent en poupe. Elles avaient toutes un ton très similaire particulièrement cynique qui, soyons honnêtes, ne dérangeait pas plus loin que la ménagère puritaine craignant pour la stabilité émotionnelle de sa progéniture. Car toutes subversives que se pensaient être ces séries, il faut dire qu'elles étaient bien loin de faire trembler les fondations de notre société capitaliste. Finissant généralement, pour les plus populaires, par l'alimenter sans le moindre scrupule.
Chaque épisode y embrasse le modèle du statu quo. Les protagonistes vivent leur petite aventure de vingt minutes qui aborde un thème donné. Ce qui donne généralement une conclusion du genre: "Tel sujet de société c'est vraiment de la merde. J'ai pas raison ?". Et là les personnages comme les spectateurs peuvent se rouler dans un doux sentiment de supériorité. Parce que eux y voient clair. Ils ne sont pas dupes. Puis ils retournent chacun à leurs petites vies comme si les vingt dernières minutes n'avaient pas existé.


Par bonne foi, je prendrai pour exemples South Park et les Grand Theft Auto. Deux phénomènes culturels que j'affectionne particulièrement. Chacun produits de leur temps maintenant révolu, ils ont fatalement perdu en force de frappe au cours de la dernière décennie.
Les créatifs derrières ces licences deviennent grisonnants, ils ne sont plus les cool kids qu'ils furent jadis. C'est comme ça que South Park traite les récentes libérations de la parole de diverses communautés par l'ajout du personnage Principal PC (pour Politiquement Correct). Celui-ci est certes marrant comme pas deux mais reste qu'il ne fait pas tellement avancer le schmilblick, disons-le. Ou que GTA V fait le choix révélateur de nous faire parcourir sa version de Los Angeles à travers le regard d'un personnage noyé dans la nostalgie qui ne comprend pas vraiment l'époque dans laquelle il vit. Un choix que je trouve, par ailleurs, plus honnête.


Dites donc, ça me fait une parfaite transition ça.
Si proches et en même temps si éloignés. Car une petite année après GTA V, la première saison de Bojack Horseman est diffusée sur Netflix. On y voit là encore une version de Los Angeles à travers les yeux d'un personnage noyé dans la nostalgie qui ne comprend pas vraiment l'époque dans laquelle il vit. Si la proposition de départ est diablement similaire, le traitement qui en est fait, quant à lui, est on ne peut plus différent. Pour la simple et bonne raison que ce cher Raphaël Bob-Waksberg, lui, comprend bien l'époque dans laquelle il vit. La relève est là comme on dit.


A priori, le même format. Vingt minutes, une aventure. Un ton grinçant. Des personnages qui incarnent et dénoncent les dérives de notre société capitaliste, blablabla. On connaît.
Mais là, pas de statu quo. Loin s'en faut.
Bojack est rongé, constamment il rumine ses actions. Ce qui l'entraîne vers d'autres qu'il ruminera dans les épisodes suivants. Et la série n'a pas peur de les lui renvoyer au museau. C'est tout le propos de Bojack Horseman, la série: les actions définissent le personnage. Pas ses idéaux ou ses remords. Si Bojack Horseman, le personnage, fait le guignol pendant son aventure de vingt minutes alors il devra en assumer les conséquences. Elles ne se révèleront peut-être pas avant l'épisode ou la saison suivant(e), mais elles ne manqueront pour rien au monde de lui rappeler à quel point il est misérable. C'est bien là la différence avec les œuvres citées plus haut qui sont, avant tout autres choses, des exutoires qui ne toucheront jamais le réel. Elles s'en moquent tout au plus. Ce qui n'est pas un mal, s'entend.


Bojack vit dans sa villa fièrement dressée sur une colline de Hollywood, royaume de la fiction inconséquente. Sa gloire passée en tant qu'acteur de sitcom est tout ce qui le défini. Il est reconnu pour ça. Lui-même mate en boucle les neuf saisons de Horsin' Around. Le statu quo, il baigne dedans, il s'y roule même. Une botte de foin, le type.
Sa vision est forcément complètement biaisée. Il appréhende le monde comme Ross. Et après ça joue aux étonnés quand Marge est fâchée qu'il ait couché avec Dwight. Non mais j'vous jure.
Finalement, si forme de statu quo il y a, elle est purement créée par Bojack lui-même. Chaque saison est une boucle qui boucle la boucle. Il commence au fond du gouffre avant de se relever petit à petit jusqu'à ce qu'il fasse tout foirer lors du season finale. Pour la simple raison qu'il ne cesse de romancer sa vie, c'en est pathologique.
Décrocher le rôle de ses rêves était son objectif. Une fois atteint, il n'y a pas de générique, la vie continue et rien n'a vraiment changé.
Retrouver un potentiel amour de jeunesse à l'autre bout du pays n'a pas de sens. Le spectateur a vu un flashback, il faut donc la retrouver. Elle ne l'a pas vu en revanche. Elle a une famille et n'y pense plus. Ça fait vingt-cinq ans, enfin.
Un enfant illégitime sonne à la porte, ce serait l'occasion d'obtenir une sorte de rédemption se dit le vieux cheval. Elle est déjà presque adulte et n'a pas moins que huit pères pour s'occuper d'elle, lui répond la réalité. Sois gentil avec elle mais n'y vois pas un vecteur de chance renouvelée, tu t'y perdra. Le vieux cheval s'y perdit éperdument. Il le fait toujours. Et la réalité lui retombe toujours dessus.


Certains personnages, Diane en tête, tentent pourtant de lui faire comprendre. Il les perd un par un.
Le final est parfait, en ce sens. Bojack est conscient de tout ça. Il est conscient qu'il doit changer. Il est aussi conscient que les chances qu'il se perde de nouveau sont probables. Car la série elle-même ne sait pas vraiment quelle direction prendre pour changer en bien.
C'est évident mais la réalité n'est pas vraiment de ce qui est limpide en ce qui concerne le bien et le mal. Bojack Horseman ne peut donc espérer y répondre tout en se voulant être une satire de notre époque bien à nous. Qui nous met sous le nez des tonnes de problématiques que nous ne voyions pas auparavant. Il est fort à parier que cette tendance ne sera pas à la baisse, qu'il faudra donc continuer à tâtonner dans la bonne direction.
Tout ce qui peut être affirmé est que le statu quo n'existe pas et qu'il faut s'efforcer d'être le meilleur possible. Pour une série si sombre, il ressort de Bojack Horseman un message éminemment positif.
On est tous dans le même bateau et le mieux reste de se pousser mutuellement à ne pas être d'immenses fumiers. Plutôt que par dessus bord.

truculento_dantes
10

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Créée

le 15 nov. 2020

Critique lue 146 fois

3 j'aime

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3

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