Slam Dunk
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Slam Dunk

Manga de Takehiko Inoue (1990)

Z'avaient quand même des shorts tout courts les basketteurs dans les années quatre-vingt-dix

Jeune basketteur, retraité de 19 ans, découvre un truc que tout le monde avait découvert avant même sa naissance. Une bande-dessinée, écrite, dessinée, publiée, adaptée à la télé avant même son premier airball. Une lettre d'amour qui déborde d'une passion inconditionnelle pour le basketball. Le truc auquel il jouait à bas, très bas niveau pendant très longtemps à l'échelle de sa courte vie. Une bonne dizaine d'années plus ou moins passionnées, jalonnées d'équipes plus ou moins balèzes, d'un entraînement plus ou moins assidu ; de matchs, d'actions, d'anecdotes plus ou moins mémorables et honteuses.
Puis, son baccalauréat en poche, il s'éloigna de la bourgade qui l'a vu grandir jusqu'à une taille à peine convenable, dans laquelle il a pu, avec le temps, affiner une adresse tout juste suffisante et une défense "agressive mais pas trop" comme on n'en fait plus. Il s'en éloigna, donc, en direction d'un monde urbain rempli de distractions qui prennent vachement de temps. Un temps auparavant consacré au basket. Ce fut une séparation sans heurt, c'est qu'il était plutôt content de voir ses mercredis et vendredis soir, tout comme ses dimanches, se libérer au profit de tout un tas de nouvelles activités.

En l'espace de quelques mois cependant, un manque s'est créé. Le thrill, propre au match de basketball, ne l'habitait plus jamais, et c'était triste. Il en discutait avec son coéquipier et ami de toujours qui traversait le même sevrage, en se remémorant le bon vieux temps d'il y a, alors, pas plus d'un an ou deux. Il en faisait même des rêves étrangement sensés dans lesquels il participait à des matchs, y prenait du plaisir jusqu'au réveil plus frustrant encore qu'à l'accoutumé.
Il lui fallait donc sa dose de basketball, de ballons qui martèlent et de pompes qui fourbissent le parquet, sans l'investissement qui allait de paire et qu'il n'avait de toute façon plus la volonté d'offrir. C'est ainsi qu'au détour d'une sympathique balade en librairie, il se procura le premier tome de Slam Dunk, alors même qu'il savait l'ampleur du gouffre à pognon que peut représenter le mangasse, sa génération en ayant fait les frais.

Mais bon, il passa les quelques vingt mois suivants à suivre l'apprentissage basketballistique du bonze roux, ses déboires amoureux, à sonder les abysses de son ego, la variété des gueules et des briques qu'il est capable de tirer. Bon an, mal an, le récit initiatique de Sakuragi a représenté le fix idéal pour le jeune basketteur retraité.
Parce qu'en fait, un match de basket, c'est quand même vachement shonen. Les retournements de situations, les actions spectaculaires, les démonstrations de force de gros kékos, les résultats qui se jouent sur des broutilles, des fins d'affrontement qui tirent affreusement en longueur, la fraternité mielleuse, tout ça se trouve tant dans l'un que dans l'autre. C'est ça qui fonctionne à la perfection dans cette bande-dessinée. Ça en fait des caisses. Les joueurs donnent l'impression de jouer leurs vies, ils trash-talkent plus que de raison et font oublier qu'en dehors de la salle, il existe un monde qui s'en tamponne de leur petite compétition infantile. Durant quarante minutes de jeu, le sentiment est réciproque, le monde extérieur peut bien s'embraser que ça n'aurait pas d'importance.
Il a mis du temps à le réaliser – quand bien même il comprenait qu'il lisait là une œuvre importante pour sa petite culture, qu'il n'hésitera pas à affirmer avec panache qu'il s'agit sans la moindre forme de doute d'un chef-d'œuvre absolu – mais Slam Dunk est une brillante forme de catharsis qui ferait chialer Aristote. Il a constaté que Inoue était visiblement un camarade basketteur retraité qui est parvenu à encapsuler le thrill propre au match de basket avec une justesse ahurissante. Si l'art est ce truc qui ne sert à rien d'autre que faire ressentir des trucs, alors Slam Dunk n'a effectivement pas beaucoup de compétition en ce qui le concerne. Parce qu'en refermant le moindre tome, sa seule envie est de crosser sale le premier type qu'il peut bien croiser. Même si ça fait des jours que rien de l'a motivé à quoi que ce soit et qu'il n'a eu envie de rien de rien.
Conne comme une pelle, certes, cette vieille bande-dessinée a eu sur lui un effet pour le moins viscéral. Il se dit qu'on peut difficilement viser plus haut dans la création, que, peut-être, sans arrêt chercher à dire quelque chose sur quelque chose, c'est surfait. Un truc brut comme ça, qui stimule des sensations oubliées profondément enfouies dans ses tripes, ce dont aucune autre œuvre n'a été capable, ça peut être pas mal non plus.


(Rédigé en fin d'année 2021)

truculento_dantes
10

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Créée

le 20 janv. 2023

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