Game of Thrones
8.2
Game of Thrones

Série HBO (2011)

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Si seules les quatre premières saisons devaient être notées, ce serait pour moi un 9, les suivantes (avant la 8 bien sûr, mais ce serait un miracle si celle-ci arrivait à sauver la situation) ce serait plutôt 5.


Excellente adaptation d’une excellente saga littéraire, les premières saisons de Game of Thrones sont entrées dans la légende, notamment pour le talent de leurs acteurs, la qualité de leurs dialogues et, surtout, leur imprévisibilité scénaristique très supérieure à la moyenne (les personnages, même les plus charismatiques, demeurant vulnérables à toutes sortes de revers, y compris la mort violente). L’univers de la série paraissait littéralement tangible, on en sentait la densité et les protagonistes semblaient vraiment se saigner aux quatre veines pour s’y tailler douloureusement une place (contrairement à d’autres séries un peu carton pâte où l’ensemble de l’univers semble graviter autour des personnages et leur faciliter la tâche).


Particulièrement appréciable était la très faible part de manichéisme, chaque camp présentant des individus de valeur (Tyrion chez les Lannister notamment, bien qu’ils soient les principaux antagonistes), et certains personnages connaissant des évolutions très riches en termes de personnalité, jusqu’à les changer complètement (Jaime). L’un des charmes incontestables de la série demeure bien sûr que chacun a une maison et des personnages favoris, et que les débats sur les mérites et la légitimité de chacun sont littéralement inépuisables.


Cette relative objectivité de la narration contribuait beaucoup à enrichir les potentialités des intrigues politiques, ce “jeu de trônes” qui fait tout le sel de la série. Apparemment cet aspect essentiel du show est désormais moqué par certains anticonformistes pour être un “truc de gonzesse” : GOT ne serait qu’une sitcom mielleuse dont on suivrait les péripéties comme on savourerait les inénarrables tribulations des Feux de l’amour ou de Plus belle la vie. Juste non. Les intrigues politiques (auxqueslles effectivement les femmes peuvent participer comme les hommes) ne sont clairement pas l’apanage des adolescents attardés, mais plutôt celui des grands cerveaux.


Jules César, Richelieu, Louis XIV, Catherine de Russie, Bismarck, et tant d’autres, plafonnent-ils au niveau de High School Musical ? Il semblerait que grosso modo oui pour ceux qui estiment que “GOT c’est pour les femmes et les adolescents boutonneux”. Evidemment ça n'est pas mon avis, la série a suffisamment d'archétypes de virilité classique (Ned et Tywin notamment) et de thèmes variés pour parler aux hommes mûrs comme aux autres.


Effectivement, une grosse proportion des fans de GOT doit être des femmes, c’est plutôt pour moi un bon indicateur de la qualité d’une série qui, a priori, n’en faisait pas son cœur de cible et aurait facilement pu se réduire à une niche pour geeks (rien de péjoratif par ailleurs) et fans de fantastique.


Cette qualité générale des premières saisons n’était même pas due à une question de fidélité absolue aux livres, la série avait su adapter l’intrigue à son format, ainsi qu’innover de la meilleure des façons comme avec les scènes Tywin-Arya, particulièrement savoureuses. Sans être extraordinaire, la réalisation se révélait pour sa part très correcte et riche en sous-entendus qui venaient renforcer les dialogues et les éléments explicites de l’intrigue (Tywin se hissant au niveau du trône de Joffrey, avec un énorme brasero l’appuyant au premier plan, tandis que son petit-fils n’est secondé visuellement que par une petite flammichette, etc.).


Bref, c’était l’état de grâce et, si la chute n’a pas été brutale, le déclin est indiscutable depuis la saison 5.


La matière littéraire s’est épuisée et on sent que les producteurs et réalisateurs ont de plus en plus peur de commettre une erreur, d’occire le personnage de trop, de nous sortir de notre zone de confort, et de tuer la poule aux oeufs d’or. Ainsi, on préfère rester sur ses acquis, capitaliser sur toute la construction narrative précédente, ce qui est effectivement très satisfaisant pour nous puisqu’on s’est largement attachés aux personnages depuis le temps, mais ne propose plus grand chose de neuf.


Surtout, perdant de sa complexité et de sa richesse, la série a décidé de réduire ses ambitions et sa portée. Là où la narration était extrêmement équilibrée et éclatée, on voit désormais émerger un centre de gravité Jon-Daenerys (avec une amourette forcée et pas très bien amenée), soit deux persos très peu “politiques” qui repositionnent la série sur un axe thématique “héroïsme-romance”. Si c’était bien fait à la limite pourquoi pas, mais c’est terriblement cliché. Tous les poncifs des mauvais films d’action sont réunis dans la saison 7, deux ex machina, capacité de survie ridicule à base de chute dans un lac glacé et de zombies oubliant qu’ils voulaient vous dévorer juste avant, la liste est trop longue et a du être très bien faite ailleurs déjà.


GOT avant, c’était “aucune erreur admise”, toutes les décisions, même les meilleures, comportaient leurs sacrifices, leurs contreparties, et finissaient par poser problème. Désormais, on peut agir aussi connement qu’on le désire et plus encore, on sera toujours sauvé de la manière la plus improbable possible.


L’univers n’existe plus non plus, on se contente d’enchaîner les ellipses de longueur variable pour faire avancer l’histoire de Jon, Dany et leurs sbires fantomatiques (dès qu’ils ont rejoint Daenerys, les excellents Tyrion et Varys sont devenus l'ombre d'eux-mêmes, les autres suivent cette voie). Cersei est devenue Cruella et s’habille en noir,le scénario se fait grotesque (expédition expandablesque de divers personnages artificiellement réunis, dont le Roi lui-même bien sûr, au Nord du Mur pour ramener un zombie, ultra-risqué, stupide et sans intérêt, Cersei n’en a bien sûr rien à foutre).


Un autre pôle majeur de stupidité est savamment entretenu par GOT deuxième génération : l’histoire d’Arya. Comme l’a relevé Preston Jacobs, qui a d’ailleurs renommé le personnage “Wolverine”, cette intrigue est devenue tellement mauvaise est irréaliste qu’on la du mal à croire qu’elle vienne vraiment de la même série. Arya est en fait devenu une super-héroïne aux capacités illimitées, apte à se battre au bâton en étant aveugle au bout de quelques mois, de survivre et de cavaler en faisant du parkour après s’être pris plusieurs coups de poignard dans le ventre (soignée au bout d’une semaine) de devenir une super espionne (tuant des dizaines de personnages en une seule scène) et de rivaliser aisément avec une combattante aguerrie, mieux armée, deux fois plus grande et lourde qu’elle (encore une fois au bout de quelques pauvres années de formation et sans être arrivée au sommet de son potentiel physique, alors que pour maîtriser un art une vie entière n’est pas de trop). A 15-16 ans, Arya est le personnage le plus aguerri, complet et puissant de la série, c’est beaucoup trop pour moi et je ne peux m’empêcher, désormais, de les dégueuler elle et son air arrogant.


Je regarde toujours la série car j’aimerais quand même en voir la fin, mais le feu sacré n’y est plus vraiment.


Je me console en me disant que Tywin (vous aurez compris que c’est mon personnage préféré vu que je n’arrête pas d’en parler), a, dans son malheur, eu le privilège de mourir trop tôt pour assister à la descente aux enfers de Westeros.

SombreRascasse
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le 22 oct. 2017

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SombreRascasse

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