« Celui qui ne pense plus par lui-même dérive de la définition d’être humain »

Suisen no Gargantia est d’abord et avant tout la collaboration entre Kazuya Murata, qui avait réalisé plusieurs épisodes de l’animé Code Geass, et Gen Urobochi qui avait scénarisé Psycho-Pass ou encore Puella Magi Madoka Magica, dans l’ensemble une grande partie de mes animés préférés. Les voir travailler ensemble sur une même œuvre pour laquelle ils sont mis en avant comme artistes principaux, forcément que ça à de quoi me vendre du rêve, mais est-ce que rassembler ces talents suffit à garantir un animé d’exception, ce n’est peut-être pas si sûr que ça.


Après un premier épisode riche en action avec une bataille spatiale de grande ampleur opposant une humanité militariste recourant à des technologies avancées face à des créatures biologiques géantes et agressives, c’est surtout le charme d’une ambiance chaleureuse totalement opposée qui va primer presque la moitié de l’animé avant de repartir dans une ambiance de nouveau plus anxiogène et sombre. On peut déjà s’interroger sur des changements de ton aussi brutaux, que le générique ne reflète pas du tout par ailleurs, quasiment sans transition, mais au moins l’animé se focalise toujours sur l’une ou sur l’autre de ses ambiances, il n’essaie jamais de mêler les deux pour éviter qu’elles se neutralisent.


Cette première moitié d’animé profite d’une ambiance chaleureuse plutôt plaisante avec un choix de couleurs très vives pour l’illustrer, là où la seconde partie s’illustrera en toute logique par des couleurs beaucoup plus froides en toute logique. Par contre, chaleureux ne doit pas s’accompagner systématiquement de jeunes filles toutes mimis en petite tenue avec des plans particulièrement proches de certaines parties de leur corps, or il peut y avoir quelques petits abus à ce niveau-là qui finissent par être un peu gênants, surtout quand on attend de l’animé autre chose.


Là où ça serait plus problématique dans cette partie, c’est que si tout ceci sert à amener l’évolution psychologique de son protagoniste, découvrant une société humaine beaucoup plus libre que celle qu’il a toujours connu, ça se fait avec beaucoup de maladresses et de lourdeurs par moment alors que l’animé ne dispose que de 13 épisodes pour développer son intrigue. L’humour est assez révélateur de cet état de fait tant il peut être très border-line, voire strictement de mauvais goût. Peut-être qu’une première partie plus condensée et moins vulgaire aurait amené les mêmes qualités visées tout en laissant plus de place à la partie plus mature de l’histoire et avec une transition plus travaillée.


Fort heureusement, la seconde partie arrive pour remplir toutes ses promesses avec des révélations inattendues, une intelligence dans ses propos, une justification pertinente des choix scénaristiques et esthétiques pris jusque là… Ce soldat qui se retrouve perdu accidentellement sur cette curieuse planète bleue, c’est le cas de le dire, pour apprendre à vivre autrement que comme un automate formaté pour la guerre finit par devoir évoluer et penser par lui-même, juger le bien du mal sans pouvoir compter sur une évidence, agir en fonction de ses émotions, par amour, par amitié...


La thématique est intelligente, plurielle et bien amenée avec des questions sur le sens d'une société prétendument idéale, la représentation de dieu et des dérives de l’obscurantisme, la définition du bonheur qui ne peut être universelle, l'intérêt de la liberté comme garde-fou aux pires totalitarismes, les dangers de l’appât du gain facile, les dérives de l'absence d'éthique dans la recherche scientifique, l'aveuglement causé par l'obéissance hiérarchique... bref moi j'ai trouvé tout ça vraiment top, ce sont non seulement des sujets qui m’intéressent mais qui sont en plus traités avec soin.


Si l’on prend par exemple le langage, l’animé prend soin d’inventer une langue fictive qui n’est utilisée que dans les moments où l’on fait comprendre que l’un des interlocuteurs emploie un langage différent et ça s’accompagne bien entendu de réflexions sur le fait que le vocabulaire existant traduit l’état d’esprit de la culture à laquelle le langage se rattache. La traduction littérale peut ne pas suffire et l’ouverture d’esprit devient incontournable, ce qui est précisément le cœur du sujet pour le protagoniste et son évolution, ce que l’animé parvient à retranscrire cette fois-ci avec efficacité et subtilité.


Néanmoins, le propos final peut manquer de cette subtilité bien évidemment et même être très générique et prévisible dans le fond malgré quelques twists bien sentis, mais je ne le sanctionne pas trop pour ma part. Ce que je pourrais déjà un peu plus sanctionner c’est le fait que l’animé ne prend pas le temps de développer tous ses personnages auxquels il peut manquer un certain charisme et attachement, comme Lukkage, la reine pirate, par exemple qui n’est là que pour constituer une péripétie intermédiaire et un deus ex machina facile, c’est un peu dommage mais comme c’est un personnage secondaire ça passe plutôt bien.


Sur le plan de l’animation, on peut aussi regretter que beaucoup de plans présentent peu de mouvement et que l’action puisse avoir une mise en scène un peu molle, surtout comparé à d’autres animés de méca, à commencer par Code Geass 5 ans plus tôt. Heureusement qu’il y a ce travail au niveau des couleurs dont je parlais précédemment qui permet tout de même à l’animé d’être très joli par moment. On dira que c’est un choix artistique même si je suis convaincu qu’il y avait mieux à faire et je l’ajoute aux limites qui s’imposent au potentiel du titre.


Par contre, les musiques ne font clairement pas partie de ces limites. Composée par Tarō Iwashiro, plus connu dans le milieu du cinéma pour avoir réaliser les musiques de Memories of Murder ou encore des 3 Royaumes, l’OST de Gargantia est une belle réussite. Le thème Advance, Attack and Pursue par exemple arrive à parfaitement donner son intensité à l’avancée vers un combat certain et certainement épique alors que Like the Ocean Breeze offre un sentiment de relaxation total des plus agréables, deux registres opposés parfaitement soutenus par la composition musicale.


En somme, si Suisen no Gargantia ne parvient pas à mêler les immenses qualités des meilleures œuvres de ses créateurs collaborant pour la première fois, il parvient malgré quelques maladresses en première partie et une animation seulement passable à faire vivre une histoire d’une grande intelligence avec ses fulgurances notables tout en profitant d’une ambiance efficace dans des registres chaleureux comme anxiogènes. Peut-être pas la grande claque que l’on pouvait attendre mais un bon petit animé à qui il ne manque pas tant que ça pour jouer dans la cour des grands.

damon8671
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le 26 avr. 2014

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