Hannibal
7.3
Hannibal

Série NBC (2013)

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Ah, rarement une série m’aura refroidi aussi vite, et aussi méchamment (mon seul exemple en tête : Paranoia agent, qui commençait merveilleusement (les 5 premiers épisodes sont parfaits à tous les niveaux) avant de devenir une espèce de réunion de suicidaires happy guimauve pour enfant de 5 ans). Après le petit buzz orchestré par les médias autour de cette série, disons le, déviante, on pouvait avoir des attentes monumentales. La simple vue des photos sur le net, nous promettant des morts aussi gores que jamais vues (le totem de 12 corps vaut à lui seul le détour), augurait d’ambitions conséquentes, en plus du casting pas exclusivement composé d’inconnus (Fishburne vient remplacer Keitel dans le rôle de Crawford). Et visuellement, le pari est complètement réussi. La série est d’une beauté formelle à tomber par terre, et régulièrement, en prenant pour prétexte l’instabilité psychologique de Will Graham, le récit se laisse aller à des hallucinations troublantes, très lynch dans l’esprit, avec beaucoup de symboliques qui reviennent (pour ceux qui n’ont pas lu Hannibal les origines, l’animal associé à la famille d’Hannibal est un Cerf, qui vient hanter à chaque épisode les songes de Graham sans qu’il en comprenne le sens).


Le montage, précis, nous fait revivre à chaque fois les scènes de meurtre avec Will à la place de l’assassin, se livrant parfois à de véritables boucheries. Chaque épisode se voit associé à une enquête sur un psychopathe différent, à l’exception du 3ème et des derniers épisodes, qui nous révèlent enfin quelques activités louches d’Hannibal, sans toutefois progresser beaucoup. Car c’est bien là que le bas blesse : les enjeux. Ceux qui s’intéressent vraiment à Hannibal auront toujours ce goût pour la psychologie, cette envie de voir les yeux du docteur pétiller en donnant de précis indices à nos enquêteurs, comme si il comprenait immédiatement tout ce qui l’entoure. Et bien ici, Hannibal nous bourre le mou. Aux motivations fluctuantes, tuant parfois sans « mobile » (son exigence culturelle est presque évacuée du récit, il ne semble rester que la cuisine au registre), et en passant son temps au fil des épisodes à balader son monde, entre Crawford qu’il maintient dans sa position réservée vis-à-vis de Graham et Graham lui-même, qu’il fait douter de sa santé mentale tout en prenant des airs empathiques. On est loin du roman Dragon rouge, mais soit. Tout cela serait passionnant si ce n’était pas aussi bavard, aussi répétitif d’un épisode à l’autre. On nous vend cela comme de la manipulation, mais les dialogues qui s’enchainent à la suite avec si peu de reliefs pour capter notre attention, ça endort purement et simplement.


Quant aux psychopathes qui défilent au fur et à mesure des épisodes, je vois mal comment supporter la situation au-delà du 5ème. Un psychopathe par épisode de 45 minutes, c’est trop, beaucoup trop. La série a clairement eu les yeux plus gros que le ventre, puisqu’elle n’a le temps d’en développer aucun. Il faut que l’affaire soit complètement close, donc immanquablement, la plupart se font descendre ou choppés sans rebondissements. Mais c’est surtout question psychologie qu’on souffre. En effet, pendant l’étude des meurtres, on est au niveau de « Faits divers criminels ». Nous avons en détail les mises en scènes sordides des meurtres avec si possible des détails salaces, et la psychologie sensée expliquer cela est à tomber par terre. L’épisode 2, par exemple, met en scène un psychopathe qui cultive des champignons sur des corps humains maintenus dans le coma. Explication : il admire les champignons et leur capacité à se connecter. Gné ? La série se fout pas un peu de ma gueule, là ? Et on tombe régulièrement dans des idées aussi expédiées, tant il semble évident que les créateurs de la série n’en ont rien à foutre de la psychologie, ils avaient juste besoin d’un écrin fastueux pour donner libre cours à une glauquerie démentielle, mais raffinée. En surenchère jusqu’à l’épisode du totem, on finit par ne plus prendre la série pour autre chose que ce qu’elle est, une version deluxe de Psychopathes en folie, qui s’intéresse davantage aux meurtres gratinés qu’à leurs auteurs et leurs motivations. Les amateurs de faits divers apprécieront, les cinéphiles pourront aller faire cuire leurs nouilles sans craindre de rater une révélation particulière.


Il y a quand même quelques os à ronger dans Hannibal. Outre la variété des mises en scènes macabres et de la direction artistique à tomber, la série exploite par endroits des idées intéressantes, comme la maladie mentale d’une personne qui efface les visages des personnes qui l’entourent. De tous les épisodes, on pourra également relever le 8 (avec le pilote, le meilleur), qui a le mérite de délivrer ce qu’on était en droit d’attendre d’Hannibal, à savoir une confrontation directe entre lui et un collègue psychopathe aux goûts esthétiques au moins aussi avancés que lui. L’épisode est sobre, intense, et le plaisir de trouver un psychopathe ayant une carrure similaire à notre bon vieux docteur fait vraiment plaisir, on aurait presque aimé qu’il s’impose à sa place et devienne notre principale attraction. Reste qu’en l’état, cette série peine clairement à convaincre (à l’image de son générique numérique assez hideux), malgré toutes les bonnes volontés palpables à l’écran. Il faut dire que si on enlève à Hannibal la psychologie, il ne reste plus grand-chose à se mettre sous la dent…

Voracinéphile
3
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le 1 oct. 2013

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Voracinéphile

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