Avoir le coeur et l'estomac bien accrochés.

Toutes les séries provoquent ce besoin impatient de connaître le dénouement et de voir évoluer les relations entre les personnages. Seulement avec le Dr Lecter, on connaît pertinemment l’issue. Les faits se déroulant avant "Dragon Rouge", on est assuré du succès du cannibale. Pourtant la finalité n’a que peu d’importance comparée aux moyens employés.

Ici, on savoure les sessions psychanalytiques d’Hannibal avec Will Graham, ce jeune profiler borderline du FBI. En premier lui, c’est lui qui nous fascine par sa "pure empathie" et le pouvoir un peu spécial qui en découle : revivre les meurtres qu’il est chargé d’élucider, dans la peau du psychopathe.
Evidemment, Will se perd, sa fragilité et les relations ambiguës entretenues avec son psychiatre le font sombrer peu à peu dans la psychose. C’est peu étonnant de voir à quel point H.Lecter nous parait équilibré en comparaison, surtout au cours de ses célèbres dîners et de la petite chasse rituelle qui les précède.

Mads Mikkelsen est en effet plus froid, plus droit et maléfique que son précurseur. Là où Hopkins dégageait quelque chose de séduisant et d’un peu fou, le danois reste imperturbable, terriblement cartésien. C’est je crois, ce qui me plaît le plus. Pas de flirts inutiles, d’hésitations ou de remords. Il ressort, à mon sens, comme le personnage le plus cohérent et étonnement attachant.
Vous l’aurez compris, à côté de lui, Dexter passe pour un clown aussi bien pour sa perversité que pour sa complexité.

Autre différence notable : l’esthétique parfaite de la photo et la poésie qui en résulte. Qu’il trucide un employé malpoli et prépare ses poumons pour un des mets dont il a le secret ou qu’il échange des mots d’esprit avec sa sublime thérapeute, on reste hypnotisé, apaisé (à peine horrifié) par la précision et la perfection qu’il y consacre.

Ne vous y trompez pas, lui succomber est une faiblesse à double tranchant ; on se sent parfois mal à l’aise, flippé, et avantage/inconvénient on a une subite envie de sauter le déjeuner. C’est une expérience assez unique, qui vaut le coup d’y jeter un oeil. En essayant de garder l’autre ouvert.