Les Soprano
8.5
Les Soprano

Série HBO (1999)

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Tony Soprano mène la petite vie lambda de tout habitant de banlieue américaine.


Il a une femme et des enfants qui l'aiment, une jolie maison, une entreprise qui tourne et évidemment, un club de striptease en guise de QG où des gueules cassées attendent ses ordres pour garder la main mise sur tout un secteur du New Jersey... Hu, attendez une seconde, on rembobine!


Les Soprano est un bien étrange cocktail de plusieurs genres très différents, une aberration digne de la créature de Frankenstein donnant naissance à un Soap Opéra dédié quasi exclusivement au public masculin, à tel point que toutes les femmes du show chercheront désespérément à s'en extirper à un moment ou à un autre, en vain. L'exact opposé de Desperate Housewives, en somme.


Les Soprano, c'est une série qui arrive à humaniser la pègre de la Cosa Nostra, celle que le cinéma a toujours eu pour habitude de sacraliser, celle qui ne portait jusqu'ici que de l'Armani de la tête aux pieds. Qui sait combien de fois Don Corleone s'est pris le bec avec sa femme parce qu'il n'avait pas sorti les poubelles la veille? Ou ce qu'il faisait quand il avait envie de procrastiner tranquille chez lui en pyjama le dimanche? Avec Tony Soprano, nous suivons les traces d'un père de famille presque lambda dans sa routine de tous les jours mais qui, en franchissant le seuil de sa porte, endosse son costume de caïd de la mafia, pouvant flinguer son meilleur ami si celui-ci n'a pas respecté le code, pour rentrer nonchalamment chez lui le soir faire une partie de Mario Kart avec son fils et s'endormir devant la TV.


La prouesse, c'est qu'on parvient, malgré TOUT ce qu'il représente, à VRAIMENT s'attacher à ce personnage (et à sa bande, big up, Paulie). On en arrive à se demander si, finalement, il a vraiment choisi cette voie de lui-même ou si le destin et sa famille l'ont fait à sa place... Ses rendez-vous chez le psy, ses crises de panique et ses rêves récurrents semblent aller dans ce sens, comme si son subconscient aspirait à une vie honnête, loin des crasses, et entrait en conflit avec ce qu'il a été par la force des choses obligé de devenir: il souffre d'un réel mal-être, un conflit intérieur le tiraille... Peut-être pour ça qu'il cherche, en bon chrétien (comme tout mafioso qui se respecte) à éloigner autant que possible de ce milieu tous les enfants et jeunes adultes auxquels il tient? Mais les états d'âme ne durent jamais bien longtemps et on ne pourra que constater que Mr. Soprano s'accommode malgré tout très bien de sa condition: il se gargarise bien souvent de la position toute puissante qu'il occupe, comme lorsqu'il agite des liasses de billets tel un nouveau riche qui étale sa fortune pour épater la galerie ou quand il se tape de jolies stripteaseuses russes à peine majeures à la recherche de papiers en règle... Et évidemment, quand il met des gros coups de pression à des commerçants endettés ou à ses hommes.


Les Soprano, c'est aussi une série qui sait prendre son temps, avec, par exemple, de petits événements anodins dans les premières saisons qui peuvent devenir 3 ou 4 saisons plus tard des montagnes d'emmerdes. À contrario, ce sont aussi des personnages qui font référence aux précédentes saisons en racontant des anecdotes sans que cela soit capillotracté. Inutile de préciser qu'il vaut mieux par voie de conséquence n'avoir rien raté pour ne pas être laissé sur le bas-côté de la route.


Les Soprano, ce sont aussi des gens qui entrent, des gens qui sortent, des gens qu'on ne voit qu'une fois, d'autres qui auront des rôles récurrents pendant 2 saisons et qui seront quasi inexistants dans d'autres... Bref, les gens, les connaissances vont et viennent, comme dans la vraie vie. Les Soprano, c'est aussi l'histoire d'un homme d'affaire intraitable et à fleur de peau dont le Leitmotiv reste "business is business"...


Au final, je dois avouer que le visionnage des Soprano aura été par moments un tout petit peu laborieux, la 1ère saison ayant été assez déroutante, ne m'attendant pas à un tel ratio Père de Famille/Parrain de la Familia (qui doit être à 40/60 sur l'ensemble de la série). Forcément, après avoir attendu si longtemps que le bon moment se présente pour pleinement savourer cette oeuvre, je ne pouvais qu'être un tant soit peu déçu.
Il faut reconnaître aussi que les 2 ou 3 premières saisons de la série ont pris un inévitable petit coup de vieux. Il suffit de les voir décharger des palettes de lecteurs DVD comme des denrées rares alors qu'on en trouve aujourd'hui à moins de 30€ pour réaliser que Les Soprano a déjà presque 20 ans dans la gueule (et puis les placements de produits y sont TELLEMENT agressifs, on se croirait dans Truman Show)...


Cependant, vous le remarquerez par vous-même si vous tentez l'expérience, ça n'est qu'une fois le dernier épisode terminé, lorsqu'on se retourne pour voir le chemin parcouru aux côtés de la (très) grande famille de Tony Soprano, que l'on se prend VRAIMENT une claque. Comme à la fin de toute bonne série, une petite déprime mélancolique s'empare du spectateur.


Il m'a fallu quelques jours pour digérer cette critique, et c'est un sentiment assez étrange, de savourer davantage encore quelque chose après-coup en y repensant, qu'en étant la tête dans le guidon, dans la folie du "bingewatching" (si le fait de regarder 3 épisodes par jour peut être considéré comme du Bingewatching)... Il est indéniable que cette série est merveilleusement écrite et ne sombre jamais dans une vision manichéenne où les gentils sont des anges et les méchants des démons. Une pionnière dans le genre. Sans Les Soprano, il n'y aurait peut-être pas eu tant de shows brillants avec des anti-héros en tête d'affiche, comme Breaking Bad.


Vraiment, prendre quelques jours de recul pour analyser la série dans son ensemble donne envie de prendre rendez-vous avec Tony Soprano et sa famille (officielle et officieuse) pour un second visionnage dans quelques années, en en connaissant d'avance les tenants et les aboutissants.


Certains disent que la destination n'a guère d'importance quand on regarde une série, que c'est le voyage qui compte. La famille Soprano sait où elle va, et elle nous a offert un magnifique vol en classe affaires pour nous rappeler toute notre vie de ce voyage en leur compagnie.


Bref, les Soprano: monument Incontournable, une série culte qui finit en apothéose avec 2 saisons de génie (la dernière en 2 parties de 13 épisodes, où les ellipses temporelles sont, au passage, assez déconcertantes puisqu'en tout, la saison doit bien couvrir 2 ou 3 ans de vie )! Je recommande chaudement, à savourer comme le bon vin, sans précipitation, au rythme d'un ou deux épisodes par jour maximum!


Et pour ceux qui n'auraient pas trop compris la fin ouverte et qui l'auraient trouvée décevante, voici mon interprétation perso des événements, 10 ans après tout le monde. DANGER, SPOILER:


Nous avons suivi cette histoire au travers des yeux de Tony Soprano pendant 6 saisons. L'écran noir et le silence total signifient... Que Tony vient de se prendre une balle dans la tête...Très probablement tirée par le gars accoudé au bar, parti aux WC récupérer une arme planquée dans le réservoir des chiottes, comme l'avait fait De Niro dans le parrain 2.
La flamme de vie de Tony s'éteint net, soufflée d'un coup de revolver, il s'effondre au 1er coup de feu. Il n'a rien vu arriver, tout comme nous. The End.
Et si ça manque toujours de panache pour vous, vous pouvez imaginer off screen la femme de Tony et son fils hagards, éclaboussés de sa cervelle. Au loin, le cri de sa fille qui a vu la scène dans son ensemble en ouvrant la porte du restaurant résonne au ralenti. Sa médiocre aptitude à faire un créneau lui aura peut-être sauvé la vie, car sans ce retard de quelques minutes, elle aurait pu être dans la trajectoire des balles du tireur...


Mais si l'on souhaite un happy end pour notre vieil ami Tony, il est aussi possible d'imaginer que la mise en scène servait juste à nous mettre dans la peau d'un parrain sur ses gardes dans un lieu public, là où la menace peut arriver de n'importe où et où tout le monde devient suspect... Tony a gagné une bataille, la trêve entre les familles qui a officiellement repris lui procure à nouveau une certaine sérénité, la vie suit son cours et les magouilles du clan Soprano suivront elles aussi leur cours après un procès dont il sortira, à n'en point douter, blanc comme neige ou presque... Mais tout cela se fera sans nous, cette fois...
À vous de choisir!


PS: À noter que même si elle est de plutôt bonne facture (2-3 phrases non doublées dans les 1ères saisons, et on aurait préféré que les phrases en italien soient sous-titrées au lieu d'être doublées sans distinction du reste), la VF perd tout de même quelque chose d'important dans son doublage: le côté immigré beauf et peu cultivé de Tony Soprano.
À plusieurs moments, certains personnages parleront de son côté bourru, rustre et vous ne comprendrez pas trop pourquoi.
Si, comme moi, vous n'avez pas eu d'autre choix que de vous rabattre sur la VF, je vous conseille vivement de vous trouver AU MOINS 1 épisode de la saison 1 en VOSTFR pour mieux cerner dès le départ le personnage de Tony Soprano et comprendre ce qui aurait pu vous passer sous le nez par la suite.


Tony Soprano n'est pas un mec de la haute société. Ce n'est pas quelqu'un qui a dû passer énormément de temps sur les bancs de l'école (on peut ressentir d'ailleurs une forme de complexe à ce sujet tout au long de la série quand on fait attention à ce qu'il regarde à la TV ou ce qu'il peut être amené à lire, il cherche clairement à s'instruire, à se forger une culture générale). Il sera forcément plus dans son élément sur un chantier de construction entouré de gens en situation irrégulière que sur un parcours de golf entouré de médecins.

Créée

le 14 sept. 2017

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AldoFdnc

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