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Marvel's Agents of Shield est, de la part de l'équipe Whedon, un travail très auto-référentiel. On trouve facilement des points communs précis avec la série Angel, par exemple : une organisation maléfique qui a dispose d'un symbole, ici la pieuvre (attention aux résonances plus anciennes), et qui retourné, reprend le bélier du cabinet d'avocats Wolf-Ram & Hart. Le passage dans un monde parallèle pour y récupérer un membre de l'équipe. La mort d'un personnage, qui devient possédé par une entité quasi-divine, ou qui se prétend telle, et qui endoctrine des « élus », pour leur offrir le sentiment d'appartenance à une communauté dont ils manquent cruellement dans l'aliénante société occidentale.
Les propos des personnages rendent évidentes les thématiques remuées : que sommes-nous prêts à sacrifier pour trouver le réconfort d'un groupe ? À quelles compromissions, quel ultime abandon total de leur liberté les gens peuvent-ils aboutir, pour servir l'avidité de pouvoir de quelques chefs, agitant un quelconque drapeau – le dieu, la patrie, la compagnie, l'équipe de football ?
Aussi depuis Buffy retrouve-t-on des orphelins qui reconstituent une famille, avec des amis dans lesquels ils fondent leur confiance, soit leur foi – fides, la racine est commune. « Une équipe repose sur la confiance de ses membres », c'est formulé tel quel par les personnage de Coulson dans le 17e épisode de la 3e saison.
Et sans cesse, les personnages doivent se justifier auprès de nouveaux arrivants, les convaincre qu'ils ont choisi le bon camp, et ils doutent eux-mêmes du bien-fondé de leurs actions, et leur obéissance à leur chef reste conditionnée à la conviction du bien ultime de ces actions, en sachant qu'une différence fondamentale entre eux et leurs ennemis qui se targuent d'offrir un ordre idéal au monde, c'est que non, ils ne veulent pas accomplir leurs buts « by any means necessary ». Là encore, c'est la différence entre le Malcolm X des débuts, et Martin Luther King, habilement utilisée dans l'opposition entre Les Xavier et Magneto de X-Men.
Quels crimes l'individu solitaire est-il prêt à commettre pour obtenir l'amouuur ? Quels narcissiques déments qu'aucune démonstration d'amour ne satisfera jamais, est-il prêt à servir ?
De Buffy en passant par Angel, puis Serenity, puis Dollhouse... Il est toujours question du rapport aux institutions. Depuis les outcasts jusqu'aux insiders. De la résistance individuelle contre les agences occultes ; jusqu'à l'intégration des marginaux dans ce type d'organismes qui oeuvrent en dehors des lois, et prétendument pour le bien commun. Liberté contre raison d'Etat.
Whedon s'est perdu dans l'entreprise « Avengers », il a clairement exprimé après le deuxième que c'en était fini de ce genre de conneries.
Retour aux misfits, aux freaks et aux geeks.


4e saison :
Back to the serial
Cette série accomplit ce qu'avait à mon goût loupé ALIAS il y a déjà une bonne vingtaine : de l'espionnage fun et féministe, avec tous les ingrédients du serial de l'âge pré-télé, du macguffin au cliffhanger, en passant par le savant fou qui veut dominer le monde et l'action échevelée. On n'innove pas franchement, mais on réarrange de manière à maintenir l'intérêt, et si les ficelles sont trop grosses, on met un personnage qui déclare que "Ca y est, la guerre contre les robots a commencé".
Simulacres et simulation
Cette saison explore la complémentarité entre des copies robots et le monde virtuel dans lequel sont prisonniers les originaux humains ; l'aspiration d'un androide à accéder aux émotions (seules source de sens et fossé insurmontable entre le vivant et la machine) ; l'homme qui tombe amoureux de la copie (Solaris traitait déjà la question en profondeur) ; l'actualisation du virtuel dans le réel (les pouvoirs acquis par l'androide dans le monde artificiel) comme dans Matrix.
L'androide en chef, qui a pris le rôle du dieu trompeur, exploite habilement la confusion possible entre mondes parallèles et monde virtuel pour duper un personnage. Ce même personnage, de "héros" dans la série, est devenu tortionnaire dans les circonstances propres au monde virtuel. Dans ce monde "immatériel" non clos où interagissent entre eux les individus qui en sont prisonniers, leur plus grand regret a été corrigé, et ils ont même oublié ce qui avait causé leur peine. Mais contrairement à l'enfermement figé dans un délire solipsiste, leurs interactions contraignent cette réalité alternative à évoluer dans des directions imprévues, non programmables.
Encore une fois, la Whedon team nous met en garde contre la réalisation de nos désirs, contre les utopies et leurs gourous. Et là encore, la série développe habilement des thèmes déjà abordés dans le film Solaris, en explorant leurs implications émotionnelles comme savent rarement le faire les romans de sf (ce qui constitue déjà un apport du film de Tarkovski par rapport au roman).


Alors si vous avez une âme de révolté, et aimez les histoires de bandes d'outcasts qui rechignent à rentrer dans le système, et défendent la veuve et l'orphelin, ce genre de truc... Mais voulez ça dans un format hollywoodien entraînant et pas dans un film portugais qui vous donne plus envie de vous jeter dans un puits que de créer une Zone d'Autonomie Temporaire... Somme toute, spectacle et engagement sont-ils forcément inconciliables?


10 août 2019
Je ne retouche rien à ce que j'ai écrit précédemment.
La saison 5 se déroulait dans des couloirs et des hangars et employait tout son budget pour un final modérément spectaculaire en plein air. C'était gris et marron, monotone et trop long.
La saison 6 est plus courte, mais c'est également la plus mauvaise. J'avais bien compris qu' Agents ne misait pas sur l'originalité, mais elle compensait par des personnages doués d'humour dont la compagnie n'était pas déplaisante (la Whedon touch). Or ici la gaudriole se fait rare (sauf dans un épisode de gromance - comment on dit bromance au féminin? - sous acides). On retombe sur une déesse psychopathe, ça devient fatigant. Les sacrifices des personnages n'ont guère d'impact puisqu'ils finissent toujours par ressusciter, et les voyages dans le temps permettent absolument tout, ça fait un moment que je me suis lassé de cette ficelle scénaristique mais Marvel la ressasse sans complexe, ça permet même de démultiplier les séries dérivées avec des personnages plus ou moins identiques dans des univers parallèles...
Et comme cette série surfe sur toutes les vagues les plus récentes, elle se termine par un cliffhanger (je croyais que ce serait la dernière saison?) sous forme de voyage un siècle dans le passé (coucou, Future man saison 2?).
Je ne demandais pas grand chose, mais j'ai eu moins.

ChatonMarmot
7
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le 7 août 2016

Critique lue 346 fois

ChatonMarmot

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