"Vous allez vous aimer les uns les autres, bordel de merde ?"

Sense8 prend certes quelques raccourcis, s'approprie et remanie certains clichés. Mais il faut aller au-delà de cette façade pour trouver sa véritable richesse (ce n'est pas bien difficile). Un message résolument universel de paix et de tolérance, une ode à l'amour, une célébration de la diversité ; une main tendue vers l'autre (celui qui n'est pas moi), un appel adressé à l'humanité, une exhortation à évoluer vers la nécessité d'embrasser nos différences pour survivre non pas en tant qu'individu mais en tant qu'espèce... cesser de nous dresser les uns contre les autres pour des motifs identitaires.

Une réalisation de qualité (engagée, bourrée de nombreux partis pris esthétiques et artistiques, agrémentée de véritables pistes de réflexion) nous balade dans la vie de huit individus au départ totalement étrangers et différents les uns des autres. On se propose de les réunir en vous posant une simple question. Je n'en attendais pas moins des auteurs de Matrix.

Comment définissons-nous l'identité ?
Par les origines, le genre, l'orientation sexuelle, la classe sociale...? Foutaises, nous disent les auteurs. Avant d'être individualisée et diluée dans les codes sociaux, notre identité est collective et immuable : nous appartenons tous à la même espèce.

La clé du problème réside alors dans le joli fantasme de la série : notre espèce évoluerait pour remplacer le langage des mots par celui des sentiments. Si nous pouvions partager les sentiments de l'autre (celui qui n'est pas moi), nous pourrions le comprendre. Une sorte d'empathie naturelle et innée qui ne pourrait que court-circuiter les processus de création de la peur, des préjugés et du rejet de la différence. Blesser quelqu'un dont nous ressentons la souffrance nous serait impossible et nous serions amenés à nous soutenir et nous protéger les uns les autres. Un langage plus efficace parce que plus profond et universel que les mots, qui peuvent être mal choisis et/ou mal compris. Aucune erreur possible pour ce qui est des sentiments car nous faisons tous appel au même panel ; nous réaliserions alors à quel point nous sommes intrinsèquements semblables, bien au-delà des différences que nous voyons à l'extérieur.

Certains diront "Bisounours".
Je me contenterai pour ma part de parler d'espoir, et de la nécessité de recevoir ce genre de message dans le monde dans lequel nous vivons. Après tout, il reste encore tout un tas de gens là-dehors qui ont encore besoin qu'on leur fasse un dessin... On a tous, je pense, essayé d'imaginer un monde meilleur et la route qui pourrait y mener. Je respecte et je salue ce désir du fond de mon cœur ; je remercie les créateurs de la série de lui avoir donné vie avec une telle sensibilité.