Stranger Things
7.6
Stranger Things

Série Netflix (2016)

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La seule chose étrange est que personne ne semble rien voir (saisons 1 à 3)

« Stranger Things »... après le visionnage de la troisième saison, je me suis enfin décidé à critiquer cette série qui semble intouchable pour bien des fanatiques. Pourtant, la proposition télévisuelle des frères Duffer est très loin d'être dénuée d'imperfections et de détails gênants qui posent un problème directement lié aux qualités techniques de l'œuvre.


Le principal défaut de la série est sa démarche initiale, ce qui est dommageable car cela constitue l'essence même de la série. Dès le départ, « Stranger Things » a été vendu au public comme étant LA SÉRIE nostalgique qui fera voyager le spectateur au cœur des années 1980, avec une ambiance rétro - pas tant que cela finalement, les décors et les costumes à la rigueur, mais la réalisation demeure très moderne - et surtout une (sur)abondance de références très mal exploitées qui est censée nous immerger dans l'Amérique du Nord d'il y a quarante ans. Une époque que certains n'ont jamais connue mais idéalisent. Une époque qui pour d'autres semblera lointain et leur fera ressentir nostalgie et mélancolie.


Seulement, la série ne va jamais au-delà de ce postulat. À aucun moment il nous est proposé quelque chose d'innovant, d'audacieux, de subtil, de techniquement intelligent... « Stranger Things » s'adresse à des néophytes du cinéma, à des individus qui, peut-être, voudraient se prétendre cinéphiles, mais qui ne le sont pas. Et ce n'est pas un problème en soi de ne pas être cinéphile. Cette série n'est pas une proposition cinématographique intéressante sur le plan technique ni sur le plan narratif, elle caresse le spectateur dans le sens du poil sans jamais rien montrer de dérangeant pour ce dernier, se complaisant dans sa zone de confort où toutes ses attentes obtiennent satisfaction. « Stanger Things » est un doudou, une peluche pour des enfants qui ont besoin de s'attacher à quelque chose afin de se rassurer, afin d'avoir une référence inattaquable qu'ils comprennent et à laquelle ils peuvent s'identifier à tout moment sans le moindre effort intellectuel tant cela est formaté pour plaire - même si à ce stade d'adulation on ne peut plus vraiment parler d'identification ; « aliénation » serait un terme plus juste.


« Stranger Things » s'adresse principalement à des spectateurs très jeunes. Des adolescents et jeunes adultes sans réelle culture cinématographique s'éloignant d'une maigre culture populaire numérique postmoderne. Des spectateurs qui s'émerveillent facilement devant une proposition très basique en somme et qui se targue d'être blindée de références, des références bien trop nombreuses et envahissantes. Des références qui ne semblent pas avoir été correctement digérées et comprises par les frères Duffer tant leur manifestation à l'écran paraît être un appel à constater à quel point les mêmes effets étaient bien mieux exploités à l'époque dans les œuvres originales. La série s'adresse également à des adultes peu exigeants qui idéalisent une époque révolue et une société qui est désormais lointaine, inaccessible, voire totalement imaginée ; rappelons que les années 1980 ne se sont pas déroulées de la même manière en France qu'aux États-Unis. Le cœur de cible est constitué d'individus aliénés par leurs émotions, car la seule chose que la série parvient à faire est de donner cette impression naïvement conservatrice : « je ne peux pas expliquer pourquoi mais c'était quand même mieux avant... » et jamais il nous est offert autre chose qu'un produit cinématographique très convenu, banal et rentable qui fera passer un bon moment à des spectateurs qui ne demandent rien d'autre que d'être bêtement divertis tout en croyant savoir comment les évènements se déroulaient à l'époque au travers de cette fausse reconstitution.


« Stranger Things » n'a aucune audace, ne tente rien, ne propose rien qui n'ait déjà été fait auparavant, et de meilleure manière. La série se complaît, tout autant que ses (fan)atiques, à végéter dans son univers si simpliste qui se repose entièrement sur l'usage gratuit et intempestif de références, sans jamais les exploiter ni leur donner de la consistance. À chaque épisode, nous avons cette impression de « déjà vu, mais en mieux » sans jamais réussir à ressentir quoi que ce soit de concret. Il est inévitablement plus intéressant de regarder les références originales (Steven Spielberg, les adaptations de Stephen King, Joe Dante, John Carpenter) que cette série qui les cite mais ne s'en sert pas pour étayer son propos ou donner de la texture à son histoire.


Le pire étant qu'il y a un budget conséquent, et cela se ressent aisément. La réalisation est propre mais totalement inexpressive, fade, banale, moderne. Les images sont belles (sauf les effets spéciaux numériques qui parfois ne sont pas incroyablement réussis), il y a de l'intensité dans les couleurs, les acteurs jouent correctement mais tout cela ne mène à rien de transcendant. Il n'y a aucune idée de mise en scène, tout est absolument filmé de la même manière sans aucune émotion si ce n'est cette soi-disant nostalgie environnante mais impalpable. « Stranger Things » est un ambassadeur de ce cinéma contemporain caractérisé par une perte totale du langage cinématographique : tout se ressemble, tout est montré de la même façon, la mise en scène inexistante ne parvient pas à faire ressentir de la peur, de l'angoisse ou tout autre émotion. Chaque scène subit le même traitement visuel et sonore, que cela soit une scène dramatique, comique, effrayante, mystérieuse...


Tout y est très illustratif, basique, convenu, formaté : un plan large de quelques secondes pour montrer rapidement où l'on se trouve ; un gros plan sur le personnage qui parle ; un vulgaire champ-contrechamp pour les dialogues, un insert sur ce que le spectateur est censé regarder... le tout sans aucune nuance dans la réalisation, aucun effet, aucune maîtrise technique. Tout y est identique, uniforme, inexpressif, inconséquent. Contrairement aux références citées, les frères Duffer sont incapables de proposer leur propre démarche en tant que cinéastes ; ils ne parviennent pas à créer un cinéma qui soit rythmé, qui soit vivant... avec une utilisation intelligente du cadre et des plans larges pour mettre en scène des personnages dans leurs interactions, dans leurs vies... en faisant par exemple durer les plans et en utilisant le hors-champ pour susciter l'attention et faire progressivement monter la tension.


Trop de choses sont imparfaites pour laisser ma clémence excuser toutes les erreurs qui s'accumulent dans cette série. L'écriture est également un problème de taille. Les personnages ne sont pas correctement écrits et évoluent trop facilement pour le bon déroulement de l'histoire ; l'intrigue est niaise et ne raconte pas grand-chose en définitive ; l'axe choisi pour conter ce récit est trop ambigu et n'amène pas à un résultat pertinent (il y a trop de personnages trop différents qui vivent la même chose de la même manière et avec la même mise en scène, il y a trop de points de vue différents pour raconter la même chose...) ; il n'a a aucune maîtrise de la dramaturgie dans l'évolution du récit (on nous montre beaucoup de choses mais finalement il ne se passe presque rien, les nœuds narratifs sont très faiblards, il n'y a pas de tension narrative, les choses semblent lentes, vaines et répétitives...).


En outre, chose insupportable avec laquelle j'ai beaucoup de mal : utiliser des personnages jeunes, des adolescents, pour racoler un grand public fort peu exigeant. Si cela avait été fait correctement, il n'y aurait pas eu de problème, mais on sent assez aisément la volonté de vendre cette série à un large public non averti. Au vu des références tape-à-l'œil comme « E.T. », « Ça » ou encore « Les Goonies », on aurait pu pensé que le récit soit traité par le seul biais de cette bande de prépubères sur vélos, mais il en est autrement puisque la série nous balance maladroitement tout un tas de points de vue différents qui ne permettent pas une évolution des évènements précise, fluide, pertinente et cohérente. Les épisodes jonglent entre le point de vue de nos jeunes héros, puis avec celui de leurs grands frères et grandes sœurs, puis avec celui de leurs parents, puis avec celui d'un policier...


Cependant, cela n'apporte rien à la construction de l'intrigue et ce n'est même pas exploité avec une vraie mise en scène. Mettre des enfants au premier plan est tout bonnement dispensable si ce n'est pour faire une série destinée, entre autres, aux enfants. D'autant plus que leur traitement narratif n'est pas crédible pour un sou ni travaillé en profondeur. Confronter des gamins de 14 ans à des problèmes, des situations et des dilemmes que seules connaissent des personnes adultes n'est pas crédible. Tout comme leur donner des compétences et des réflexions d'adultes. On se rend compte que cela a été fait pour la forme, comme souvent, mais ce n'est pas intéressant ni utile pour le déroulement de l'intrigue ou pour l'élaboration des thématiques. Je ne parviens pas à y croire un seul instant. Je ne crois pas que des enfants si jeunes, perturbés par les hormones et les enjeux futiles mais inéluctablement inhérents à l'adolescence, puissent se comporter et agir de la sorte (relations amoureuses, prises de risque, développement et mise au point de plans d'action complexes et dangereux, réflexion sur les évènements et leurs conséquences...).


Finalement, malgré cette diversité de points de vue, il ne se passe pas grand-chose dramatiquement parlant, c'est assez mou, et il n'y a jamais de tension. Lorsqu'un obstacle se présente, il est rapidement contourné, une solution est immédiatement trouvée par ces enfants arborant un recul sur la vie et une intelligence si improbable pour leur jeune âge. « Stranger Things » est réalisée ainsi, sans ambition, dans une facilité d'écriture éhontée, avec des raccourcis narratifs omniprésents et des éléments scénaristiques mal exploités. Chaque épisode se termine sur un cliffhanger pour donner l'illusion de la tension, mais on se rend rapidement compte qu'il ne s'agit là que d'un petit coup de pouce du montage pour tenter de conférer du rythme à une série qui n'en a pas. Dès le début de l'épisode suivant, la situation est désamorcée et l'on passe à autre chose sans que ce nœud narratif n'ait eu d'incidence sur le récit à l'échelle globale. Tout y est extrêmement convenu, extrêmement facile et plaisant à regarder puisque tout y est mis à la même hauteur (les scènes comiques sont traitées comme les scènes dramatiques ou horrifiques).


Il n'y a pas de montée dans la tension, « Stranger Things » ne parvient pas à utiliser convenablement les éléments fantastiques dans son histoire pour engendrer des émotions. La série ne dérange pas, ne dégoûte pas, ne fais pas peur, ne fait pas rire... quand les personnages sont censés être effrayés, terrorisés, ils ne le sont pas, puis la séquence est désamorcée et la vie continue jusqu'au prochain obstacle. À chaque moment critique, à chaque fois que l'on atteint un climax, l'ambiance retombe immédiatement et l'on comprend que ce n'était rien du tout, que cela n'a pas de conséquences tangibles. On ne ressent aucune frayeur, aucun traumatisme de la part des personnages, ils enchaînent les scènes soi-disant effroyables sans encombre, ils ne sont jamais vraiment en danger, ils atteignent toujours leur objectif avec très peu de difficulté jusqu'à ce qu'un autre problème pointe le bout de son nez et soit résolu identiquement, sans tension, sans mise en scène, sans impact... et ainsi de suite.


En soi, la série n'est pas mauvaise, mais elle n'est pas bonne non plus. Très convenue, dénuée d'audace ou d'initiative, elle ne fait que reprendre des choses mieux exploitées par le passé et cite ostensiblement des références qui n'apportent rien au propos, si ce n'est pour le desservir en définitive. « Stranger Things » est flanquée d'erreurs, de maladresses et de facilitées pour, finalement, ne faire à aucun moment une proposition qui apporterait quoi que ce soit au spectateur ou au cinéma au sens large. La seule chose d'étrange ici, c'est bel et bien que personne ne semble voir ce qui se déroule sous ses propres yeux, et qu'à force d'être confronté à la médiocrité, tout le monde s'empresse de crier au génie pour quelque chose qui est largement perfectible mais qui parvient à se hisser légèrement au-dessus de la pléthore de navets avec laquelle nous sommes matraqués nuit et jour.


SAISON 1 : 5/10


Le pilote laissait présager quelque chose de potentiellement intéressant. L'image est assez propre, les couleurs sont intenses et chatoyantes, la musique y est assez sympathique avec un côté rétro (un synthétiseur, pour retrouver des sonorités rock ou pop assez électriques)... Bref, au premier regard, « Stranger Things » semble être une série télévisée très correcte qui soigne son style et impose son ambiance tant convoitée de « nostalgie des 80's ».


Cependant, on déchante assez rapidement. Premièrement, il faut arrêter avec cette idéalisation des années 1980 qui nous donne presque l'impression que tout allait bien et qu'il s'agissait sans nul doute de la plus belle époque que l'humanité ait jamais connue. Ce n'est pas vrai. Les années 1980 c'est aussi la Guerre froide ; c'est aussi l'accident nucléaire de Tchernobyl ; c'est aussi l'avènement de la société de consommation et de ses travers dans le monde occidental postmoderne ; c'est également le début d'une mutation de l'art - de ses qualités purement techniques progressivement abandonnées à ses seuls attraits mercantiles - dans une démarche de nivellement par le bas, et ce pour rendre accessible et commercialiser à un grand public une sous-culture lacunaire, mais très rentable, qui fait croire aux imbéciles qu'ils sont cultivés, et aux vaniteux qu'ils sont plus intelligents qu'ils ne le sont véritablement. Les années 1980 ne sont pas une si belle période qu'il faut chérir comme un enfant chérit sa peluche. Comme pour toute époque, il y a eu des choses regrettables et d'autres que l'on aime se remémorer.


Il y a un travail indéniable sur l'ambiance, mais ce détail non plus n'est pas parfait. Le côté « rétro » ne l'est pas tant que cela. La série joue sur des poncifs un peu trop lourdingues, avec des costumes et des accessoires assez kitsch pour bien que le spectateur comprenne ce qu'il est en train de regarder. Cela démontre davantage une volonté d'être rétro que le fait d'être rétro en soi : il y a trop de détails ostentatoires et inutiles, trop de couleurs, des couleurs trop saturées, trop brillantes ; il y a des anachronismes sur certains objets, certains accessoires de mobilier, sur du matériel... « Stranger Things » est l'un des plus mauvais exemples de l'utilisation, même modérée, du Fusil de Tchekhov... tant de détails et d'objets ostensiblement superflus.


En dépit de tous ces petits éléments appréciables qui la composent (la musique, un rendu visuel banal mais propre, des personnages plutôt sympathiques et attachants, la tentative de reconstitution socio-culturelle de l'époque, les clins-d'œil multiples et variés...), la série s'essouffle très rapidement. On prend conscience que la multitude de points de vue n'aide pas à l'évolution de la narration, ni à sa compréhension. Les personnages ne sont pas écrits avec justesse et précision, ils ont tendance à vite évoluer pour faciliter le récit (le personnage de Dustin initialement décrit comme un peu nigaud qui devient l'intello du groupe ; ou la mère de Will qui passe d'une santé mentale stable à la folie en un claquement de doigt, puis inversement, sans mise en scène ou contextualisation de son évolution psychologique).


Un certain manque de tension ou d'action dans la dramaturgie est comblé avec des redondances dans les interactions entre les personnages, qui vont se disputer plusieurs fois pour la même chose ou qui vont discuter et s'organiser durant des plombes pour des évènements qui sont absolument minimes dans l'intrigue. C'est assez long, peu rythmé, les personnages sont lents dans leurs actions, ils réfléchissent lentement, ils cherchent lentement. Le récit perd du temps sur des détails inutiles au lieu de nous en montrer davantage sur l'univers parallèle où Will s'est retrouvé prisonnier. On ne nous en parle que très peu de ce dernier, on en voit pas grand chose et les images de synthèse ne sont pas vilaines mais mal mises en scène et trop peu lisibles à cause de l'obscurité et de l'usage excessif de noirs. On ne sait rien sur ce qu'il s'y est passé pendant tout ce temps jusqu'à ce que Will revienne dans le monde réel.


D'autres manques de subtilité se font ressentir. Par exemple, les méchants de cette saison, qui sont représentés par des scientifiques sans scrupule à la solde d'agents du gouvernement, ne sont pas vraiment cohérents dans leurs actions. On ne sait pas ce qu'ils font réellement. Ils semblent avoir été mis là pour justifier certains arcs narratifs et pour faire figure d'opposition dans la dichotomie que constitue la confrontation des gentils (les enfants, les parents, le policier) avec les méchants (les scientifiques, les militaires, les agents gouvernementaux). En outre, ils font également le lien avec le monde parallèle puisqu'ils ont leur part de responsabilité dans l'ouverture de la brèche, mais ils ne sont pas exploités davantage. Ils semblent ne rien pouvoir faire, ni contre le monstre ni contre les gentils qui se jouent d'eux avec une aisance ridicule. De grands vilains hommes du gouvernements pris de court face à des enfants boutonneux.


Dès que le Démogorgon apparaît dans le monde réel, les personnages sont tous dépassés, impuissants, le monstre est maladroitement présenté comme étant intouchable, impossible à blesser avec la technologie humaine, annihilant toute forme de tension. Il ne craint pas les armes mises au point par les humains, il n'est donc pas menacé, seule la jeune fille au numéro peut l'affronter. Sa puissance démesurée fait disparaître tous les enjeux autour de lui, cela fait immédiatement écho au dénouement fatidique de cette première saison, que l'on ne peut qu'attendre patiemment jusqu'au moment où la confrontation entre la créature et le personnage de 11 débarquera enfin avec d'énormes sabots tant cette scène concentre tout 'intérêt scénaristique de la première saison. Il ne peut en être autrement, et c'est énervant de le savoir dès le début.


Bref. Il y a déjà beaucoup de chose à redire sur cette première saison. Il y a trop de personnages principaux, trop de points de vue en parallèle pour ne pas raconter énormément de choses en six heures de série. Un développement trop léger des personnages, de leur psychologie propre, des lieux, des situations, des actions, des enjeux... La narration qui a tendance à se répéter n'est pas aidée par l'absence de mise en scène - comme expliqué en introduction - et perd du temps à tout nous montrer, tout nous expliquer comme si nous étions débiles alors que nous aimerions voir plus d'éléments pertinents qui ne sont hélas jamais dévoilés : comme par exemple le monde à l'envers.


SAISON 2 : 4/10


Dès le début de cette deuxième saison, le rythme est retombé. On ne tarde pas à découvrir que le cliffhanger final de la première saison était inconséquent : 11 est vivante, le monde parallèle existe toujours et demeure une menace. En somme, rien n'a changé, le récit n'a pas évolué et commence une nouvelle boucle narrative avec le même postulat de base. L'intrigue ne parvient pas s'installer et à imposer ses enjeux à cause de cette cruelle chute de tension narrative et du problème des points de vus subjectifs différents trop nombreux. Cela vient désamorcer l'ambiance soi-disant pesante puisque les personnages ne sont pas cohérents dans leur ressenti et leurs émotions, sans parler de la mise en scène toujours identique, sans personnalité, sans nuance.


L'intrigue est, dans son ensemble, très peu palpitante. Il y a parfois quelques bonnes idées qui surgissent au-dessus de ce florilège de références très encombrantes qui composent la majorité des plans ou des séquences, mais ces dernières souffrent la plupart du temps d'un manque d'approfondissement ou d'une exploitation maladroite. Puis, à l'instar de la saison précédente, l'intrigue traine en longueur avec de nombreux dialogues superflus où l'on nous explique, à nouveau, tout ce qui avait déjà été longuement narré. La bonne première moitié de la deuxième saison s'embourbe dans des explications redondantes et des analepses dispensables qui viennent casser le rythme de l'intrigue et donner l'impression de meubler pour faire durer une histoire bien trop simpliste pour nécessiter six heures de série. Nous avons déjà vu tout ceci, il faut aller plus loin maintenant parce-que la série commence déjà à radoter.


La saison fait également l'erreur de rajouter des personnages, d'ors et déjà trop nombreux, et dont les points de vue subjectifs engendrent un flou artistique qui n'aide pas à l'évolution fluide et cohérente de la narration. Bob, le bon gars, le nouveau compagnon de Joyce, n'est pas développé mais vient tout de même ajouter en complexité dans un univers où il y a déjà trop de personnages qui sont mis sur un même rang en termes d'importance narrative. Son personnage n'est pas intéressant, très stéréotypé, et ne semble servir qu'à se sacrifier en fin de saison, sans que son apparition ne sublime l'intrigue de cette nouvelle saison. Il en est de même pour les personnages de la mère de 11 et de Kali , qui apparaissent en bon Deus ex machina puis s'évaporent de l'histoire sans sommation après avoir été vidées du peu d'intérêt qu'elles suscitaient. Tout cela pour justifier un changement dans la psychologie de 11 et une augmentation de sa puissance, pour finalement amener sur un plateau d'argent une nouvelle confrontation entre la fillette surhumaine et l'allégorie de la dimension alternative du monde à l'envers : le Demogorgon ou autre créature ou entité du monde à l'envers.


On retrouve exactement le même schéma narratif que dans la saison précédente, mais en moins intense, avec un dénouement - qui concentre tous les efforts d'écriture, de mise en scène et d'ambiance - à l'identique où 11 utilisera son pouvoir pour vaincre temporairement - jusqu'à la saison suivante - le monstre de l'Ombre, étant donné qu'elle seule en est capable. La narration perd encore en cohérence, des groupes de personnages prennent tour à tour la lumière, laissant les autres de côté mais sans qu'on ne comprenne vraiment pourquoi. Qui sont les personnages principaux ? Quels sont les personnages secondaires ? Quels sont les enjeux pour chacun d'entre eux ? Qui est important pour le récit et qui ne l'est pas ? Qui apporte quoi à l'intrigue ? Sur qui doit-on se concentrer ? On ne sait pas...


Il y a toujours trop de références qui ne sont là que pour dire « regardez, nous avons tellement de culture cinématographique, c'est si cool » et ne sont clairement pas exploitées à l'écran. Tout ceci n'est que forme, un simulacre pour combler un vide narratif et scénique, une absence d'idées et d'audace que l'on maquille en affiche pour adolescents. La musique est toujours sympathique mais commence à être répétitive et un peu balourde dans sa démarche : comme si les cinéastes avaient demandé au monteur de caler la bande originale à chaque fois que le spectateur est censé éprouver de la nostalgie, de la gaieté, de la peur... Les images de synthèse ne sont pas moches mais cela ne permet pas de sauver l'ensemble, gâché par une mise en scène toujours inexistante, des idées mal exécutées et une narration qui tourne en rond et se répète presque à l'identique.


Finalement, le dénouement reprend la forme de celui de la première saison, dans une certaine mesure il s'agit encore d'un combat entre 11 et le monde à l'envers. La fillette a de nouveau, et à notre grande surprise, le dessus sur son adversaire. Ce dernier est vaincu, pour le moment. Un nouveau cliffhanger final nous apprend alors que l'univers parallèle n'a toujours pas dit son dernier mot et qu'on est parti pour une troisième saison suivant le même schéma narratif, mais perdant encore un peu de son intensité et de son essence, ce qui faisait que la première saison était correcte.


SAISON 3 : 3/10


Nous voilà en route pour une troisième saison de « Stranger Things », la série télévisée qui propose chaque saison plus ou moins la même chose, mais de mal en pis. En introduction du premier épisode, nous avons le droit à un petit Deus ex machina pour démarrer en trombe : débarqués d'on ne sait où ni pourquoi, des méchants russes font des expériences pseudo-scientifiques pour tenter d'ouvrir une brèche vers le monde à l'envers. Après cette tentative gratuite de paraître raccord avec le cliffhanger de fin de saison dernière... on passe du coq à l'âne avec un désamorçage complet de toute la tension que l'on pouvait tenter en vain de ressentir jusqu'à présent. Tout va de nouveau pour le mieux dans le meilleur des mondes. On met une pièce dans la machine et c'est reparti pour un tour.


On nous matraque d'une avalanche de clichés afin de bien faire comprendre au spectateur que l'histoire se déroule toujours aux États-Unis dans les années 1980 au cas où on l'aurait oublié : avec notamment, ces ignobles scènes, si faussement naïves, de centre commercial dégoulinant de ce matérialisme et de ce consumérisme américains, ou encore les séquences de piscine mettant en scène des ménagères abruties par la société qui mouillent leurs maillots de bain une pièce aux couleurs extravagantes devant un plouc aux cheveux longs...


La seconde d'après, on apprend que derrière - ou plutôt en-dessous - ce temple de la consommation se cachaient de vilains russes qui font on ne sait trop quoi dans ce trou paumé qu'est Hawkins. Ces antagonistes qui surviennent de nulle part, sans prévenir personne - pas même la pertinence -, ne sont que la manifestation physique d'une volonté stupide et infantilisante d'exploiter le conflit américano-soviétique de la Guerre froide dans une série pour adolescents niais nostalgiques d'une époque qu'il n'ont jamais connue, dans un lieu où, probablement, ils ne sont jamais allés. Les personnages russes sont clairement dépeints comme de bêtes et méchants soviétiques à travers le prisme du manichéisme à l'américaine, tellement médiocres qu'un bataillon complet de soldats russes en colère et armés de fusils d'assaut ne suffit pas pour arrêter cinq ou six puceaux armés de vélos et d'appareils dentaires, ainsi qu'un policier seul - il n'y a toujours qu'un seul flic dans les bleds perdus aux USA - et alcoolique. L'Amérique est plus forte !


On y retrouve des problèmes récurrents depuis le début. Une absence totale de mise en scène qui engendre un vide abyssal dans la tension narrative. Il n'y a pas de tension, pas d'angoisse, pas de peur. Les scènes qui sont censées effrayer ne fonctionnent pas. La musique si peu subtile ne suffit pas à forcer une émotion. Faire clignoter toutes les lampes, absolument tous les éclairages jusqu'aux ampoules des fours à micro-ondes lorsqu'une menace survient n'est pas un effet efficace. Cela donne mal à tête, c'est désagréable à regarder, cela fait obstacle à la lisibilité de l'action et au crédit que l'on peut accorder à la situation. C'est lourdingue dans sa démarche, c'est physiquement improbable - si on veut être vraiment pointilleux, on précisera que l'électricité alternative ne fonctionne pas ainsi - c'est déjà vu, revu et surexploité, dénué de toute subtilité et témoignant d'une créativité inexistante en termes de mise en scène. Cela ne permet pas de créer une véritable ambiance de terreur étant donné que la réalisation ne suit pas, qu'il n'y a aucun traitement dramatique, sonore et visuel.


Il y a toujours de nombreuses références vraiment énervantes sur le long terme tant la série n'arrive pas à s'inventer une identité qui lui soit propre. Des références à tout-va, des références à la saga « Alien », au film « Gremlins », des références au cinéma de Spielberg (notamment « La Guerre des mondes » dans l'épisode final ou « E.T. » depuis la première saison), des références à la mise en scène de Carpenter... même la texture du monstre de l'Ombre venu du monde à l'envers - bien qu'il s'agisse d'images de synthèse - s'inspire outrageusement de l'esthétique organique et viscérale faisant la renomée de Cronenberg sans jamais atteindre le même niveau de réalisme et d'impact visuel... depuis le début, les Démogorgons sont pompés sur le style des Reapers de Guillermo del Toro dans « Blade 2 »... Que de recyclage. Pas d'inventivité. Pas d'audace.


Cette troisième saison, la plus mauvaise de toutes sans équivoque - la première saison gardant la tête hors de l'eau - regorge d'encore bien des défauts. L'usage de l'humour est assez balourd et grossier, il n'y a aucune finesse dans l'utilisation du comique. On ressent toujours une absence de tension narrative, un dysfonctionnement au niveau de l'empathie à cause du développement des personnages... on se moque de ce qu'il peut leur arriver puisqu'ils s'en sortent toujours, et de la même manière à chaque fois, sans difficulté et sans effet de mise en scène. Il y a aussi le personnage de Billy qui prend soudain de l'importance mais qui, en définitive, n'apportera rien du tout à l'intrigue sauf d'interpréter une nouvelle fois cet immense cliché du gentil qui devient méchant - car il est sous l'emprise des méchants -, mais qui virera de bord à la fin pour redevenir gentil - car le pouvoir de l'amour est plus fort que tout - et se sacrifier afin que nos héros principaux ne soient pas blessés ni impactés par les évènements malgré l'aspect extrêmement tragique de la situation.


Il ne se passe absolument rien durant toute cette saison. En plus de six heures, la narration n'évolue pas, on tourne en rond, l'intrigue est en roue libre sans le moindre contrôle ni le moindre cap. On ne sait plus du tout où l'on va, il n'y a plus la moindre perception d'un quelconque enjeu. C'est extrêmement long et illustratif sans que rien ne s'en dégage, ni émotion, ni tension, ni drame. On ne peut qu'attendre de nouveau le dénouement et le cliffhanger final, qui cette fois-ci est différent mais tellement prévisible. Cette fois ce n'est pas 11 qui sauve la situation mais le résultat est le même : le camp des gentils a repoussé celui des méchants jusqu'à la saison prochaine, avec cette petite scène finale - en Russie pour le coup, mais c'est pareil - qui nous montre pour la troisième fois que le Monde à l'envers n'a, encore, toujours pas dit son dernier mot, et qu'il reviendra encore plus fort, une quatrième fois.


L'épisode final se termine sur presque trente minutes d'un après la victoire où l'ambiance est rudement retombée après le sacrifice d'un personnage symbolique qui marqua cette troisième victoire sur la dimension parallèle démoniaque. Un choix très risqué parce-que la production a décidé de mettre fin à l'un de ses personnages les plus intéressants - présentant le plus de potentiel, faut-il encore l'exploiter -, ne nous laissant que peu d'espoir pour l'avenir... sauf si peut-être, dépourvus de honte, oseront-ils le faire réapparaître le moins subtilement possible dans la quatrième saison ? Une saison qui s'annonce donc déjà plutôt mal quand on voit sur quelles bases elle se construit.

SNBlaster
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le 16 juil. 2019

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