Une saison 2 formidable

Je ne sais pas si ajouter une critique ajoute à la visibilité de la série sur le site, mais comme il semble qu'elle a du mal à trouver son public alors qu'elle mérite d'être vue, je le fais.
J'ai fait un commentaire d'une des critiques sur la série publiée par un membre que je regrette aujourd'hui. J'y compare "Succession" à "Yellowstone" , série en réalité beaucoup plus malsaine et contestable. Mon erreur est d'avoir pris la saison 1 au milieu et de m'être limité à trouver les personnages (détestables) caricaturaux. La saison 2 m'a dessillé les yeux (peut-on dessiller autre chose que les yeux ?).

J'avais connaissance de certaines études sociologiques et documentaires sur les ultra-riches (dont ceux des Pinçon-Charlot) qui tendaient à montrer que ces gens vivaient tellement dans une autre réalité quotidienne que le commun qu'ils en arrivaient à ne plus partager aucune référence avec nous, et donc quasiment plus de valeurs. Et je trouve que cela est très nettement lisible dans la saison 2. A partir du moment où l'on comprend que les personnages ne sont pas détestables par facilité scénaristique (genre JR de "Dallas" pour les anciens), mais parce que le milieu dans lequel ils vivent est tellement différent (et sans jamais de croisements, de rencontres...) avec celui de la majorité des autres humains qu'ils finissent par ne plus rien partager avec nous, ils restent parfaitement crédibles, et même complètement réalistes. Le personnage de Roman est particulièrement explicite de cela dans la saison 2.

A l'inverse de la trilogie du "Parrain" où le spectateur est invité à éprouver de l'empathie pour des personnages dont les valeurs sont quand même immondes (celles de la mafia), et le fait très bien d'ailleurs, ce n'est pas du tout le cas dans "Succession". La série nous invite à comprendre comment ces gens là, ses personnages, fonctionnent, sans jamais chercher à les légitimer ou les justifier, mais juste les comprendre. Et c'est fascinant.
On le sait par ailleurs, le créateur de la série, Jesse Armstrong, avait prévu de faire une film sur l'empire du magnat de presse australien Rupert Murdoch et s'était donc fortement documenté sur son sujet. Logan Roy, le glaçant patriarche de la série, est donc l'alter-ego de Rupert Murdoch et la question de sa succession répond complètement à celle qui secoue la famille Murdoch puisque le magnat a à peu près le même âge avancé.

Il faut donc passer outre le caractère rebutant des personnages (ou pas d'ailleurs, ils sont rebutants, ils n'ont aucune empathie avec nous et sont même nos prédateurs, en témoignent le peu de cas qu'ils font du sort des personnes victimes des turpitudes d'un des responsables de l'entreprise, viols et même meurtre ; ils ne sont pas choqués, mais juste affolés par les répercussions financières que cela peut avoir pour eux lorsque l'affaire est rendue publique. Ou encore le passage où Roman en formation doit imaginer une attraction dans un parc du conglomérat susceptible de générer du profit et où spontanément il conçoit une attraction basée sur l'exploitation des plus bas instincts humains, idée qui sera élue la meilleure), les relations entre ces personnages cyniques et puissants, mais aussi terriblement veules et lâches, nourrissent des péripéties haletantes tout en nous réjouissant de leurs échecs et humiliations (dont ils se remettent bien mieux que nous pourrions le faire, ils n'ont réellement pas les mêmes valeurs que nous).

Et puis ça nous rappelle que ces gens sont des prédateurs sans scrupules, qu'aucune empathie n'est de mise à leur égard et que s'en débarrasser est salutaire pour la plus grande partie de l'Humanité (et même de la planète).