The Handmaid's Tale : La Servante écarlate par Pascoul Relléguic

Saison 1


The Handmaid's Tale part d'un bon concept mais se contente d'un développement scénaristique trop paresseux. On en sait trop peu sur cette société à la fin de la 1ère saison pour parvenir véritablement à la crédibiliser : où sont tous les gens qui permettent de maintenir une structuration sociale (on évoque brièvement les colonies) ? A part les miliciens à bonnet noir, il ne semble y avoir quasi-aucune perspective professionnelle dans Gilead. La question de la baisse de fertilité est également très floue : il semble y avoir encore suffisamment d'enfants avant le coup d'état pour remplir des écoles mais ensuite, malgré le système des servantes, on n'en voit plus que quelques dizaines. Quel avenir reproductif pour l'espèce humaine peut-on vraiment espérer à partir de là ? Surtout quand on explose au moindre encart des femmes fertiles. Et comment pense-t-on pouvoir exporter au Mexique le système des servantes qui ne parvient à trouver sens que dans la réorientation traditionnelle simili-victorienne de la société ? Cela peut passer pour du pinaillage mais j'aurais préféré que soient développés ces aspects plutôt que les simples histoires de coucherie dans la maison.


Après, la série sait parler aux allergiques au fondamentalisme chrétien avec de beaux personnages de dominants bien à l'aise dans leurs convictions hypocrites (tante Lydia est bien dosée entre sadisme et vénération pieuse pour la fonction matricielle). J'aime bien Lorenzo Lamas en commandant Watterford (mais si, c'est trop lui) même si son interprétation finit par tourner un peu en boucle. Légèrement moins fan de Elizabeth Moss La photographie est évidemment une réussite, très vermeerienne, mais souvent trop sombre (la faute à Prime ?).


On va laisser sa chance à la saison 2, en espérant que ça décolle un peu plus.


Saison 2


Une saison qui ne me réconcilie pas vraiment avec la série. Ça se laisse suivre mais je trouve la qualité d'écriture vraiment très médiocre. Les développements scénaristiques ne mènent jamais nulle part, avec des remises à zéro incessantes : la fuite de June n'aboutit qu'à son retour ; les colonies nous sont montrées sans que cela ne serve à grand chose (OK, les mères supérieures post-apo ont un look sympa) ; l'attentat pourrait relancer la dynamique avec un nouveau nazi en chef mais il est aussitôt débarqué... De même, on introduit des persos le temps d'un épisode pour nous émouvoir de leur mort mais sans avoir pu construire auparavant une affiliation émotionnelle avec le spectateur (la compagne de Moira). Et je ne parle pas de la caractérisation instable de certaines têtes d'affiche comme Miss Waterford qui passe sans cesse de suprême salope à copine aux petits soins voire quasi-nostalgique de l'ancien monde.


En fait, ça donne l'impression que les auteurs remplissent les 13 heures (!!) réglementaires d'événements qui ne s'inscrivent dans aucune trame globale et ne parlent finalement pas de grand chose. La PMA est un sujet plus ou moins explicite de la série mais sans réflexion particulière autour. On se contente de mettre en scène la domination socialement organisée du phallus sur la matrice utérine. Et on s'en tient à un certain cliché de l'amour maternel immédiat et inconditionnel pour toute progéniture quel qu'en soit les conditions de procréation, sans jamais oser aborder le tabou du rejet éventuel d'un enfant par sa mère biologique.


La fin de la saison relance un peu l'intérêt, avec la survenue d'événements plus remuants et cette magnifique séquence des retrouvailles entre June et sa fille. Des retrouvailles qui s'avèrent en fait émotionnellement horribles tant elles ne font que réveiller les expériences traumatiques de l'enfant et interrogent si la véritable bienveillance maternelle ne serait pas d'accepter l'abandon afin de lui permettre de se reconstruire un tant soit peu. Malheureusement, la conclusion de la série retombe dans ses travers d'immobilisme, avec une succession de choix scénaristiques scandaleux qui ne visent qu'à justifier qu'on en revienne encore et encore au même point.


Reste la photographie, toujours aussi chouette, surtout que les gars de Gilead aiment bien les belles mises en scène (l'hommage aux servantes mortes). Et je retiens aussi que quand tu snipes un fondamentaliste, il faut viser la tête et pas le bide. Mais rien qui suffise à me convaincre de poursuivre le show.

Créée

le 15 avr. 2020

Critique lue 172 fois

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