The Mandalorian
7.1
The Mandalorian

Série Disney+ (2019)

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The Mandalorian, où comment étendre un univers

La dernière trilogie en date de Star Wars (quelque chose me dit qu’elle ne restera pas la dernière bien longtemps...), suite au rachat de Lucasfilm par le géant Disney, avait fait coulé beaucoup d’encre, en bien comme en mal, certains y voyant dans ce "retour aux sources" une suite honnête, d’autres ayant vu au contraire une mascarade voir une trahison de l’œuvre originelle. Et force est de constater que lorsqu’on jette un coup d’œil au dernier épisode sensé conclure ce retour de la franchise, on penche plutôt du côté de la mascarade...


Mais c’est sur un tout autre terrain que la firme aux grandes oreilles va mettre (presque) tout le monde d’accord, le petit-écran. Bien sûr, la mise en chantier de la toute première série de l’univers imaginé par George Lucas en prise de vues réelles avait de quoi faire hérisser le poil du fanboy qui sommeille en chacun de nous et en même temps le rendre sceptique, mais c’était sans compter sur la présence de Jon Favreau en tant que showrunner de cette nouvelle production Disney, un type qui, à l’inverse de J.J. Abrams, a tout compris à l’univers Star Wars, et se pose en tant que passionné de ce monde fictif, l'idéalisant et le glorifiant au lieu de seulement respecter le cahier des charges.


Exit les Jedi, les personnages connus du grand public, The Mandalorian va chercher à étendre son univers là où on n’y connaît rien : le terreau fertiles des chasseurs de primes vu par le prisme de Mando, un mandalorien qui revêt le même genre d’armure que deux personnages cultes que l’on a vu dans les deux précédentes trilogies de Lucas, Boba et Jango Fett.
L’absence de points de repères humains bien connus facilite le travail, on ne va pas subir la démystification d’un personnage de la saga d’origine, et on ne va pas voir non plus une tête-à-claques insupportable de la postlogie, la série se situant d’ailleurs entre les épisodes VI et VII de la franchise et ne faisant quasiment jamais référence aux Jedi, au Premier Ordre, au Faucon Millenium, à Dark Vador et compagnie.


Avec un format aussi léger que celui d’une mini-série (il y a 8 épisodes au compteur allant de 30 à 45 minutes), The Mandalorian donne l’impression d’être purement cinématographique, et se hisse au dessus de certains films de la saga en terme de qualité et d’aventures, les effets visuels étant de plus très réalistes, notamment grâce à une utilisation du numérique jamais trop forcée.
Car on voyage dans The Mandalorian, de planètes en planètes, on y voit du monde, des espèces différentes, des paysages variés, c’est un road-trip à travers la galaxie auréolé d’une bande-son de qualité et d’un rythme posé et efficace. La série mange également à tous les râteliers, ainsi, on a droit à du survival dans un vaisseau pénitencier en plein vide spatial, une aventure exotique en plein désert de Tatooine avec les Jawa, ou encore un hommage aux Sept Samouraïs lors d’un autre épisode, lorsque notre héros vient en aide à une bourgade primitive qui souffre des assauts d’une tribu agressive. Ironique et bienvenu lorsqu’on sait que Kurosawa a eu une grande influence dans l’écriture de Un Nouvel Espoir et est une idole de George Lucas.


The Mandalorian, s’il est profondément édulcoré pour le grand-public (Star Wars, Disney, rien d’anormal à cela), n’est pas naïf et manichéen pour autant. Le héros faisant partie d’un ordre qui a été en guerre contre les Jedi et s’étant également fritté avec l’empire, la vision niaise des "gentils contre les méchants" n’a plus aucun sens ici, il s’agit de la survie d’un chasseur de primes dans un monde où le crime ne paie plus, comme si la série explorait l’underground de la mythologie Star Wars, l'envers du décor.
Ainsi, on a à faire à un Empire qui s’est effondré (rappelons nous la fin de l’épisode VI), mais qui compte encore quelques irréductibles seigneurs de guerre, et une Nouvelle République qui est sensée maintenir l’ordre dans une galaxie encore marquée du joug d’un système dictatorial, mais qui est absente physiquement presque tout le long de la première saison, preuve que si les gentils ont gagné, le chaos et l’anarchie règnent encore.
Ceci renforce le côté vaste et sauvage de l’univers Star Wars que l’on rêve toujours de découvrir encore plus, un univers tellement dense que l’autorité en vigueur, quelle qu’elle soit (République, Empire...), ne peut-être partout. Il est facile de faire un parallèle entre cet univers et les immensités américaines du Far-West d’antan, où il n’y avait aucune trace de civilisation hormis les populations indigènes et où les forces de l’ordre n’avaient aucune mainmise tellement le pays est immense. Dans cette optique, The Mandalorian ressemble à un énorme western de space-opera (la "profession" du personnage principal y est pour beaucoup), une transposition d’un fantasme de liberté et d’émancipation de la société, déjà exploré dans la trilogie originelle mais malheureusement délaissé dans la dernière, que l’on retrouve avec bonheur dans cette production télévisuelle.


La série joue aussi habilement avec le renversement des rapports de force, tout comme les mandaloriens qui sont contraints à se terrer dans des tunnels pour survivent, eux qui étaient (on nous le rappelle souvent) de grands guerriers craints et respectés, en cela la figure du bébé Yoda n’est pas anodine, l’être le plus vieux et le plus sage qui nous a gratifié d’une présence au cinéma devient ici symboliquement une forme de vie fragile et sans défenses, au potentiel et aux pouvoirs non encore explorés. Outre le fait qu’il soit terriblement attachant, le fait qu’il soit le protégé du mandalorien, issu d’une caste de guerriers qui ont affronté l’ordre Jedi dans le passé, alors que le seul représentant de son espèce que l’on connaît est un Jedi respecté, en dit long sur cette volonté de bousculer notre perception de l’univers de la saga culte et nous en proposer un regard plus réaliste, plus nuancé et moins manichéen.


La série n’est pas non plus exempte de défauts, comme la qualité des dialogues qui laisse à désirer (quoique, en prenant du recul, tous les films Star Wars ne sont pas des modèles de poésie ou de philosophie dans le domaine de l’écriture...n’est pas Tarantino qui veut) ou des fausses notes dans le casting, Gina Carano ou Carl Weathers étant ici pour répéter leur texte sans faire trop d’efforts émotionnels. On retiendra tout de même la présence hypnotique de Pedro Pascal que l’on avait déjà vu au sein de la télévision dans Game of Thrones et Narcos, son principal atout étant qu’il reste caché sous son casque pendant la quasi-intégralité de la saison, renforçant encore une fois le côté mystérieux du personnage et par extension, de la mythologie Star Wars qui nous paraît ici infiniment dense.


Une autre réussite télévisuelle, limite cinématographique, qui s’inscrit dans la logique d’évolution des séries TV qui ressemblent de plus en plus au cinéma, The Mandalorian est un divertissement de qualité, dénué de tout fan-service putassier et facile et qui invite aisément à l’évasion et à l’aventure, et c’est tout ce qu’on lui demande.
Reste à savoir si la série va garder la cadence et s’intensifier au cours des saisons suivantes (Star Wars étant une valeur sûre dans notre paysage audiovisuel, on peut être certain du renouvellement à répétition), si tel est le cas, elle pourra bénéficier au fil du temps d’un statut culte et donner vie à des rejetons télévisuels qui, au lieu de désacraliser et "banaliser" un mythe comme ça a été le cas pour les films sortis entre 2015 et 2019, pourrons au contraire l’étendre et lui redorer son blason qui s’estompe sur grand-écran et qui semble avoir retrouvé un début de gloire sur le petit.

Tom-Bombadil
7
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le 23 mai 2020

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Tom Bombadil

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