Un pape jeune, c'est un peu comme un oranger sur le sol irlandais... sauf en matière de fiction. Les artistes peuvent explorer toutes ces possibilités qui ne se présenteront jamais à nous. Mais bon, qui aurait prédit que notre bon pape actuel serait si libéral envers les familles homoparentales, hein ? A son inverse, le joli pape de Sorentino est un conservateur, un vrai, un obtus, un radical, et c'est la vraie bonne idée de cette étonnante série qui joue assez finement sur les apparences. Voilà en effet un pape dans la force de l'âge, dont on n'explique pas vraiment comment il a atterri là, mais qui compte bien profiter de l'aubaine pour rendre à l’Église un peu de son lustre d'antan, en jouant de tous les outils modernes à sa disposition. Notamment notre culture de l'image et notre culte à la com'. Son idée : se faire rare à la télé pour créer un véritable appétit. Donc vendre cher ses apparitions. Très cher. Et dégraisser le mammouth à sa façon, en sacrifiant les fidèles par habitude, mollassons et peu utiles, pour réduire ses ouailles à la frange la plus militante. Le Polonais semblait plus adapté pour cet écrémage par le fer, car notre jeune pape est non seulement jeune, mais aussi... américain. Il est sportif et a les dents blanches, en d'autres termes. Je ne m'étendrai pas sur ses diaboliques manœuvres, mais retiendrai davantage la plongée palpitante dans l'univers amidonné du Vatican, soumis à ses coups de boutoir imprévisibles de despote à gant de velours et petits mocassins rouges lustrés. La figure de son second, habitué aux roueries d'un autre âge, mâtin et au doigté d'horloger, lui est un faire-valoir remarquable. Le scénario s'égare parfois du côté de la chair, ce qui a provoqué chez moi quelques bâillements, je l'avoue, mais j'ai retrouvé toute l'acuité de mon attention de spectatrice à l'affût quand il s'est agi de musarder du côté de la sainteté, des doutes spirituels, des miracles et d'une lecture hautement religieuse de l'actualité. Il me reste à saluer la réalisation ingénieuse de Sorentino, qui adopte les codes canoniques pour mieux les dynamiter un plan plus tard, et se joue de ruptures de rythme ultra-finaudes, qui n'ont pas manqué de me réjouir. Bref, des débuts un peu poussifs qui sont amplement rattrapés par le traitement passionnant de problématiques ardues. Et des acteurs impeccables. Et une fin qui justifie l'attente.