Après 10 longs-métrages, NWR délaisse le cinéma pour proposer Too Old To Die Young (TOTDY), une série produite pour la plateforme de vidéo à la demande du géant Amazon. Si on pouvait craindre que l’auteur compromette son identité artistique en rejoignant ce géant du streaming en quête d’audience et de crédibilité, c’est tout le contraire auquel on assiste. TOTDY cristallise tout le cinéma de NWR : lenteur et esthétisation excessive, personnages mutiques, violence fulgurante, noirceur et… tapisseries. TOTDY ne s’adresse pas au grand public en quête de séries génériques mais bien aux adeptes de cinéma d’auteur. Ce western contemporain, que le cinéaste considère comme un seul et unique film divisé en 10 chapitres, prend place entre Los Angeles et le Mexique. On y assiste à la reconquête d’un « territoire » par un puissant cartel mexicain de narcotrafic. Ce terrain de jeu est exploré à travers les points de vue d’un jeune flic pourri (Miles Teller), un néo-parrain parvenu (Augusto Aguilera) manipulé par une ex-prostituée (Cristina Rodlo) et un guerrier vengeur (John Hawkes) agissant pour le compte d’une avocate sensible à des forces métaphysiques supérieures (Jenna Malone).
Alternant des enjeux hyper réalistes avec de soudaines irruptions totalement surréalistes, TOTDY dépeint une Californie crépusculaire, sombre, chaotique, irrationnelle et violente. Tous des adjectifs qui siéent parfaitement à l’Amérique trumpienne. Toutefois, grâce à la bienveillance cynique avec laquelle NWR scrute cet univers, il s’en dégage une beauté quasi onirique particulièrement étrange, faisant oublier que le monde qui s’auto-détruit sous nos yeux, c’est bien le nôtre. Ceci grâce à un effort remarquable sur la forme de cette œuvre, tant au niveau de l’image léchée dans ses moindres détails que dans la bande-son électronique composée par le compositeur attitré de NWR, Cliff Martinez. Cette beauté formelle permet à son auteur de distendre le temps pendant d’interminable plans fixes ou de lents panoramiques, afin de distiller torpeur, sidération et contemplation. Ces longs cadrages de personnages mutiques, transcendé par une musique en totale osmose avec les images n’est pas sans évoquer l’alchimie entre Sergio Leone et Ennio Morricone lors d’Il était une fois dans l’Ouest.
Vous l’aurez compris, TOTDY est une série qui s’adresse à un public averti. C’est long, c’est noir, c’est violent… mais c’est également virtuose, beau et ça parle avec intelligence et ironie d’un monde en plein effondrement. Il s’agit probablement d’une des séries les plus radicales jamais produites pour un média de masse. Lors de son visionnage, le cinéphile, même réceptif, aura de la peine à digérer tous les passages de TOTDY. C’est peut-être pour cela que longtemps encore après avoir vu le dernier épisode, les scènes iconiques parsemant cette fresque nourrissent encore son imaginaire.