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Saison 2 :

Ayant vu la saison 1 il y a bien 3 ou 4 ans et n'en ayant pas été bouleversé outre mesure, le visionnage de cette 2ème saison s'est décidé un peu de façon inattendue. Comme un lapin qui jaillit d'un chapeau, une idée bizarre, sans explication apparente, phénomène assez fréquent chez moi il est vrai. Mais à bien y réfléchir, la première saison avait laissé le souvenir d'une série assez déjantée, pas désagréable même. Et puis cela fait 7 ou 8 saisons d'affilée que ça tient le coup, ce qui est plutôt bon signe.

Donc 12 ou 13 épisodes ne dépassant pas la demi-heure, c'est du gâteau! La saison 2 a été expédiée rapido, soulignant l'aspect ultra dynamique de l'histoire qui part dans tous les sens. Une boule de flipper. Le personnage de Nancy Botwin jouée par Mary-Louise Parker semble ballottée par des événements qui ne cessent de déclencher emmerde sur embrouille. Effet boule de neige plutôt alors? Oui, à chaque solution semble correspondre un nouveau problème. Et ça s'accumule!

Pendant ce temps, les personnages qui gravitent autour d'elle sont des hurluberlus tous plus mabouls les uns que les autres. De fait, très vite on a l'impression d'être devant un cartoon, sous acide. Quelques fois j'ai pensé à Californication qui peut laisser échapper de ces bouffées d'absurde, des outrances jouissives à suivre si l'on aime bien les personnages. Mais Weeds dépasse de loin la furieuse folie de Californication. Elle est quasiment omniprésente. La filiation n'en demeure pas moins évidente.

Seule donnée à peu près arrimée au réel et qui fait sans doute qu'on n'a pas envie de décrocher, c'est cette véritable question de la mère célibataire avec deux moutards sur le dos, la nécessité vitale de survivre dans un quartier sinon huppé au moins un peu au-dessus de la classe moyenne. Femme et mère face à l'adversité, Mary-Louise Parker incarne un personnage à l'esprit libertaire. Loin de la tradition doloriste christo-américaine, ce portrait est redoutablement frais et tolérant.

Pour ma part, se développe alors aisément pour cette femme une grande sympathie en même temps qu'une espèce de fascination pour ses deux billes rondes que sont ses yeux. Je sais qu'il m'arrive souvent d'être un peu prisonnier (quel délice!) d'une libido aveuglante, mais pour Mary-Louise Parker je ne crois pas qu'il s'agisse de cela. Je ne comprends pas bien, je ne suis pas du tout ému par la beauté de cette actrice, mais pourtant elle m'intrigue. Il y a quelque chose dans son physique, pas uniquement ce regard, ces yeux grand ouverts à la moindre émotion. Je ne sais pas. Peut-être qu'elle a un visage d'enfant qui cadre pas tout à fait avec ce qu'elle vit et que cette dichotomie crée une interrogation, un drôle de mystère?

En tout cas, cette saison 2 se boit comme de la bière blanche, c'est très agréable, souriant, léger, divertissant, incapable de donner mal à la tête, ça va vite. Pour couronner le tout, la satire politique se révèle pas conne du tout. Pourquoi s'en priver?

http://alligatographe.blogspot.fr/2014/09/weeds-season-saison-2.html

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Saison 3:

Saint Caca! Mais où vont-ils chercher tout ça ? Autant j'avais peine à trouver la saison 1 émoustillante, autant j'ai beaucoup aimé l'éclatement de la saison 2.

Avec cette saison 3, j'ai l'impression qu'on est entré dans une zone de turbulence pleine d'une folie adorable. Les créateurs ont nettement lâché les chevaux. Comédie burlesque avant tout, l'adage "plus c'est gras, plus c'est bon" semble parfaitement convenir à cette série. Il y a du cartoon, du Tex Avery, du loup aux yeux exorbités et à la langue pendante devant la petite pépée bien roulée.

Le ton est outrancier, grossier, hyper provocateur. Le trait est tellement gras qu'on finit par en rire. C'est comme dans "Le loup de Wall Street" de Scorsese. La caricature va à l'extrême du mauvais goût. Bon shit, mauvais genre poussé au paroxysme.

Orgiaque. Les personnages bouffent tout : cul, drogues, flouze. L'amour et les souffrances de la solitude sont bel et bien là, cachés, moteurs secrets. Il n'y a guère que Nancy (Mary-Louise Parker) qui énonce clairement la justification de ses actes pour faire vivre sa famille. Ça rappelle les motivations délinquantes du Breaking Bad. Je suppose que c'est le présupposé obligatoire pour faire avaler cette immoralité de principe dans les deux séries.

A part Nancy donc, les autres personnages sont les produits de l'Amérique libérale. Tout est bon pour faire du pognon, tout est utile pour se caresser le nombril. Quand je parle de libéralisme, je devrais plutôt parler de consumérisme, m'enfin, vous comprenez.

Mais à force de surenchère dans la branquignolade, le rire et le confort sur lesquels les situations abracadabrantes et finalement heureuses font reposer les spectateurs, toutes ces réjouissances finissent par créer une empathie pour les personnages, même les plus repoussants. Ils sont sympathiques d'abjection.

Derrière cette monstrueuse parade, cette farce explosive, nul besoin d'être super futé pour déceler le portrait ultra corrosif de l'Amérique. Pas seulement la consommatrice effrénée. Politiquement, les dialogues ne cachent plus leur anti-républicanisme viscéral. Ils affichent leur appétence aux thèses démocrates avec la facétie des petits chenapans fiers de leurs provocations. Les culs-bénis et les racistes sont les premières victimes des scénaristes. Autant dire que ce divertissement me sied à merveille. J'en prendrais bien une nouvelle louche.

http://alligatographe.blogspot.fr/2014/10/weeds-saison-3.html

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Saison 4:

Saison 4 un peu moins fofolle que sa devancière m'a-t-il semblé. Je ne sais pas si j'aurais mieux faut de laisser un peu plus de temps entre la saison 3 et celle-ci ? Reste que je souffre d'une légère déception.

Avec la saison 3, j'avais trouvé une salutaire et jouissive folie, un dynamisme très frais, véritable plaisir de divertissement pour bien finir une journée de stress. Avec cette saison 4, cela ne fut pas toujours le cas. Je crois quand même que ce sentiment est d'abord dû à une saturation, renforcée par la manière dont je consomme les séries. Écrit pour être diffusé une fois par semaine, un épisode se nourrit aussi de cet espace, de cette durée, de cette attente du prochain épisode. Or, je regarde les séries uniquement quand la saison est terminée et m'enfile tous les épisodes les uns à la suite des autres. Weeds est certes une série avec peu d'épisodes, mais ils sont très courts (autour de 25 minutes). Elle se lit très vite et l'effet d'accumulation peut sans doute altérer une bonne lecture. J'ai manqué de recul en somme.

De fait, d'une part j'ai le sentiment que la série stagne un peu et d'autre part qu'elle prend une tonalité plus sombre, moins légère, moins pétillante, par une certaine gravité qui était jusqu'ici évitée. Donc les personnages font face aux événements avec plus de sérieux, une dose d'irréalisme en baisse.

Même Doug (Kevin Nealon), sans aucun doute permis le personnage le plus barjot de la série, en prend pour son grade et cède à l'espèce de morosité ambiante.
Andy (Justin Kirk) n'est pas exempt de cette même pesanteur par moments. À propos de ce personnage, il y a un rapprochement de plus en plus ouvertement incestueux en quelque sorte avec Nancy (Mary-Louise Parker) et qui me dérange avec force. C'est une facilité scénaristique à laquelle les auteurs de série ont souvent recours depuis quelques temps, me semble-t-il. Et qui irrite à grande vitesse. Alors certes, il n'y a pas de véritable relation amoureuse entre Andy et Nancy, mais on voit nettement les pions s'avancer avec la finesse du pachyderme pour les saisons futures. Après Dexter, voilà donc Weeds qui ne supporte pas le célibat de son personnage. Nancy est libre : elle baise qui elle veut quand elle veut. C'est déjà formidable d'avoir une femme (qui cumule le statut de maman) aussi libérée dans une série. Mais on sent que la famille américaine malmenée par Weeds, que le credo du public traditionnel voudrait imposer à cette femme un respect des normes. Alors je ne sais pas comment va tourner ce bouillon : s'ils vont la faire rentrer dans le rang ou bien si ces circonvolutions intimes sont destinées à tromper le public pour mieux continuer à dynamiter la bien-pensance, la tradition américaine?

D'ailleurs, comment en est-on arrivé à cette saison 4? C'est assez étrange quand on y regarde avec soin. La famille Botwin est partie de son quartier originel (Agrestic, son générique et ses little boxes me manquent) pour atterrir dans une villa de bord de mer. Les personnages blacks ne sont plus là, au grand dam de l'histoire, je trouve. Ce sont les latinos qui ont pris le relais mais les relations qu'ils nouent avec Nancy ne sont pas aussi comiques ni pittoresques.

L'aspect humoristique repose curieusement sur Celia Hodes (Elizabeth Perkins). Mais là encore, l'humour est très sombre, fonctionnant essentiellement sur la déchéance du personnage.

Par conséquent, à la fin de la saison 4, je me rends compte que j'ai perdu cet enthousiasme et cette jubilation qui animaient les deux saisons précédentes et je n'ai donc pas l'irrépressible envie de continuer. Je perçois un essoufflement dont je ne pouvais soupçonner la clarté.
Alligator
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Créée

le 14 sept. 2014

Modifiée

le 15 oct. 2014

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Alligator

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