J'avais une très bonne image du capitaine Harlock (alias Albator) et de l'oeuvre de Leiji Matsumoto : ses personnages caractéristiques (notamment les femmes longiforme) son univers inventifs fait de pirates de l'espace, de train volants, de mélange de temporalité et de personnages récurrent. Et puis, il y a Albator : sa stature, sa balafre, ses grandes capes, son idéalisme, sa droiture et son cache-oeil. Ce personnage qui fait rêver, ce lore de dingue.
Mais ça, c'était avant de retrouver cette intégrale DVD d'Albator 78 que j'avais acheté une bouchée de pain et où j'ai dit à ma copine "hé, c'est en VF, ça va être parfait à regarder pendant qu'on mange" (la télé étant trop loin de la table du salon pour qu'on puisse bien lire les sous-titres.)
Et de m'apercevoir qu'Albator... c'était mieux dans mes souvenirs. (Tadaaaam, c'est le titre.) Mais en vrai, la version que j'ai vue enfant, c'était la version "84", j'avais trois ans et c'était sur un écran noir et blanc. L'image que je m'étais fait du pirate de l'espace, c'est souvent des images, des articles, des extraits et le film Galaxy 999 vu au cinéma à Nantes dans les années 2000 (diffusée pour une raison très obscure) et deux ou trois rencontre par-ci par-là. Et je m'en était fait une image bien meilleur que ce que c'est au final.
Une localisation aux fraises
Autant le dire dès le départ : la Version Française y est beaucoup, pour dans ma déconvenue, mais soyons honnête, c'est plus la "localisation" dans son ensemble qui merde vu que ça concerne bien le casting vocal, la traduction, la censure, le choix des bruitages et des musiques.
Autant le dire, niveau casting vocal, c'est typiquement tout ce que je déteste : des acteurs qui en font des caisses, disent n'importe quoi et une traduction approximative de termes de sf ("les spatio-cargils") avec des dialogues qui se contredisent. Le jeu alterne entre Jacques Balutin en Alfred qui fait exprès des voix de merdes pour faire marrer les gosses ("hé hé hé Albator, j'ai fait ma maquette ") et à l'inverse un Richard Darbois en Albator qui est sérieux à mort et alignes les phrases ampoulées.
Il y a toujours ce truc gênant des années 80 a vouloir éduquer les enfants à coup de répliques grandiloquentes. Sauf que la plupart du temps ça sonne vraiment péteux et j'aurai dû sortir un carnet pour noter les pires pépites d'Albator. Je me souviens surtout d'un "les étoiles sont comme les roses, si elles sont belles il ne faut pas oublier qu'elles ont des épines." (C'est limite si quelqu'un ne se rapplique pas derrière Albator pour rajouter un "ha bah, ça fait réfléchir tout ça.") Face à tout ça, j'en viens presque à avoir envie d'avoir vu la version doublée en breton. (Dont Wikipédia m'a mentionné l'existence.)
Après ça reste une série que j'ai regardé en mangeant et tout en donnant la bouffe à mon gamin et autant dire que j'étais pas au maximum de ma concentration. Bon, le tout est arrosé de quelques censures visible par-ci par-là, mais bon, vu le niveau de charcutage des émissions pour enfants dans la décennie suivante, je m'attendais à pire.
Mais il y a aussi les musiques. Il faut savoir qu'on est dans cette époque où enlever le son pour le doublage demandait aussi de devoir refaire les bruitages et la musique. Pour les bruitages, c'est au final, assez niquel et j'ai rien à redire. Mais pour la musique c'est une autre paire de manche. On passe d'une musique très pesante de série japonaise avec son lot de violon, de chansons larmoyante et d'instrumental très folk (guitare et harmonica) ... à quelque chose de bien plus funk dans la version française avec même l'ajout de sons de synthétiseurs ce qui est rigolo vu qu'à l'époque la vague synthpop venait d'exploser au japon.
Ce qui fait que certaines musiques exclusives à la version française sont pas si mal que ça, notamment la musique de bataille (qui par contre est sur-utilisée au point d'être gavante) et que d'autres sont déstabilisantes parce que trop funky pour des moments tristes. Mais le pire, c'est lorsque Stelli (j'ai plus son nom en japonais) sort son ocarina : dans la V.O. c'est une musique très nostalgique jouée à la flûte. Dans la V.F. c'est une musique de fausset assez mal jouée et autant au départ c'est raccord avec son âge, le fait qu'on entende ce morceau TRES SOUVENT dans la série, que tout le monde la considère comme une musique superbe et le fait qu'on entende Albator la rejouer (en gardant les mauvaises notes) rend l'expérience entre "insupportable" et "absurde"
Mais il y a pire. En effet, quel ne fut pas m'a surprise devant l'antépénultième épisodes d'avoir une musique bien plus techno et un Albator avec une voix bien plus grave. J'ai appris que ces épisodes n'ayant jamais été doublé à l'époque on été redoublé par Imavision et c'est assez troublant : Balutin étant mort et Darbois ayant pris 20 ans, le changement de casting vocal saute à l'oreille. Mais en plus on sent qu'ils avaient bien moins d'argent pour le sound-design qui a été réduit à peau de chagrin et les musiques ont bien sautées deux décennies. Pire, elles bouffent parfois les dialogues, parce qu'il y avait ptet plus d'argent pour le mixage sonore.
Mais Albator c'est quand même un con
Ceci dit, même en ôtant la traduction au fraise, je reste quand même très circonspect sur le scénario. Autant le côté "la chronologie on s'en fout" je trouve que ça a un charme chez Matsumoto lorsqu'il dépeint ses personnages du futur au beau milieu d'un western ou pour faire des caméos, autant au sein d'une même oeuvre, c'est bien plus problématique.
Il y a vraiment des moments où tu ne comprends pas où en est la bataille entre les sylvidres et les humains : elles sont infiltrées sur terre depuis le début, mais en fait non, elles ont une armada loin de la terre, mais en fait, si elles ont des tas d'agent dormant, mais le gros de l'armada va arriver plus tard, et puis dix épisodes plus tard elle est toujours sur le point d'approcher de la Terre, etc... Il y a plein d'élément jamais inexpliqué (la prof de Stelli est une sylvidre ? Elle se fait dégommer et on en reparlera plus)
On sent aussi qu'il y avait du remplissage dans ces nombreux épisodes où Albator doit revenir en catastrophe parce que sa protégée est prise en otage... ce qui ne l'empêche pas invariablement de la remettre au main du même orphelinat... vous savez celui où la directrice déteste Albator. (Et où le ministre de la défense vient sans arrêt pour prendre en otage Stelli.) On est en plein dans cette époque où les séries devaient faire 42 épisodes et il fallait réutiliser les mêmes ficelles quitte à pas trop être regardant. Bon après, ces scénarios prévisible me permettaient de partir faire la vaisselle sans louper grand chose, mais je pense que c'était pas le but voulu à la base.
Sans parler de ces moments où ce bon vieux capitaine Harlock se contredit : un coup il considère les sylvidres comme des ennemis, certes, qu'il faut traiter avec respect, un autre coup (parfois presque dans le même épisode) il en génocide à tour de bras. Pas mal de ses plans s'avèrent être des catastrophes et je ne compte plus les moments où les personnages agissent en dépit de toute logique.
La série compte un paquet de gens s'étant sacrificiés pour Albator, l'Arcadia, dont certains étaient parfaitement inutiles. Ha, et j'en reviens pas qu'à la fin d'un épisode où les habitants d'une planète paradisiaque ont été massacrés, il regarde les deux seuls survivants (deux enfants d'à peine 8 ans) et disent "ok, je vous laisse, a vous de grandir et de repeupler cette planète." Et repart comme si c'était une happy end. Connard !
L'héritage d'Harlock
Néanmoins, tout n'est pas à jeter.
Déjà pour l'époque c'était le haut du haut du panier de l'animation. Outre les scènes de bastons spatiales, il y a vraiment un sens de la mise en scène et du style dans certaines séquences comme ces moments où les couleurs se teinte d'un seul colori ou des plans iconiques. Ils sont assez rare, mais c'est souvent du bonbon pour les yeux, et on sent que Rin Tarô se faisait plaisir.
Bon, comme je l'ai dit, le lore est vraiment chouette et il y a tout le design de Leiji Mastumoto et l'impression qu'il aime bien mettre du mystère autour de ses personnages : on en apprendra assez peu sur Mime, cette femme sans bouche, on connait pas tout du passé d'Albator et ça a son charme. J'aime bien la dynamique des personnages et l'idée que malgré le fait que l'équipage est composé de bras cassés fêtards ou paresseux, ils sont ultra-pros dès que la bataille commence.
Dans l'ensemble tous les personnages sont potentiellement chouettes et si pas mal d'épisodes m'ont désespérés, ceux sont consacrés au passé des différents membres de l'équipage, au milieu de la série sont chouettes. Il y a l'idée que chacun d'entre eux, y compris les plus comiques, cachent une histoire tragique ce qui les rends vraiment attachant. On note que c'est un procédé narratif qui aura été réutilisé par pas mal de mangaka notamment un certain Eichiro Oda qui s'en est fait sa spécialité.
Oui, c'était long, pas très bien écrit et très vieillot, mais on touche la source d'inspiration de pas mal de mangakas. Albator a infusé dans la culture japonaise et c'était intéressant de voir l'origine de certains clichés, clin d'oeil et procédé narratif de l'animation japonaise.
Hélas ça restait quand même laborieux de tout se rattraper et je ne peux pas décemment dire que j'ai aimé. Il y a vraiment peu de chance que je regarde Albator 84 et le reste des productions de Leiji Matsumoto. Au moins, je saurais.